MISSION ET PAIX
FRANÇOIS LAPIERRE, p.mé.
Comme à l’époque de Moïse, nous sommes dans un temps de bouleversements mais non de décadence. Nous n’arrivons pas toujours à saisir la présence de Dieu dans notre vie. Il nous faut croire que le Seigneur est présent.
En terminant mon service comme évêque de Saint-Hyacinthe, j’ai senti un appel à retourner en Amérique latine, au Honduras, non pas, je crois, à cause d’une nostalgie du passé, mais comme un temps d’ouverture à une nouvelle étape de ma vie, celle d’un évêque émérite. Or l’évêque émérite n’est pas un évêque à la retraite mais un disciple du Christ appelé à un nouveau service de l’évangile, comme tout baptisé d’ailleurs, qui a atteint l’âge de la retraite. Je pense au psaume 70 (71) qui dit : « chargé d’années, ne m’abandonne pas, que j’annonce aux âges à venir, ta justice, ô Dieu » v.18
Ce retour à la mission au Honduras et en Amérique centrale, m’a permis de vivre au Tabor, un centre de spiritualité près de Tegucigalpa, la capitale. Un centre de spiritualité risque parfois d’être un genre d’oasis ou un refuge pour les heures difficiles et non un lieu qui nous pousse vers les défis du monde actuel. Le même danger guette d’ailleurs nos églises, on y cherche parfois une paix qui n’est pas celle que le Christ est venu annoncer.
ALLER VERS DES CONDITIONS PLUS HUMAINES
Dans sa lettre sur le développement des peuples, le pape Paul VI écrit que la Paix, c’est aller de conditions moins humaines vers des conditions plus humaines. (Développement des peuples nos 20-21) J’aime bien cette vision de la Paix que nous pouvons tous vivre d’une façon ou d’une autre. La Parole de Dieu nous dit que Moïse a été non seulement un homme engagé dans la libération de son peuple mais aussi un contemplatif « qui parlait face à face avec Dieu, comme un ami avec son ami ». (Exode 33,11) C’est parce qu’il parlait ainsi avec Dieu qu’il a pu être témoin de la Parole de Dieu pour son peuple.
Son expérience nous aide à découvrir que la Mission est d’abord celle de Dieu à l’œuvre dans le monde actuel comme il l’a été au temps de Samuel, de David ou de Marie. Vous me direz, mais nous ne vivons un temps bien différent, oui, c’est vrai, mais il y a dans tout être humain ce désir conscient ou inconscient de converser avec Dieu comme avec un ami. Sœur Emmanuelle disait aux gens, « vous ne croyez peut-être pas en Dieu mais Lui, il croit en vous ». C’est ce que m’a appris l’expérience missionnaire.
Mais vous me direz, si ce désir est si présent, comment expliquer qu’Il faille vendre des églises ou les détruire, faire venir des missionnaires d’Afrique. Il me semble que cela nous fait voir que, comme à l’époque de Moïse, nous sommes dans un temps de bouleversements mais non de décadence. J’aime bien l’expérience de Gédéon que nous trouvons au livre des Juges. Quand l’Ange de Yahvé lui dit : « Dieu est avec toi, vaillant guerrier…Gédéon répondit : « je t’en prie, mon Seigneur, si Yahvé est avec nous, d’où vient tout ce qui nous arrive ? » (Juges 6,11) Il vivait un temps difficile mais le Seigneur était présent. Comme souvent pour nous, il n’arrivait pas à saisir la présence de Dieu dans sa vie.
Durant ces dernières années vécues au Honduras, ce qui m’a le plus touché, ce sont tous ces gens qui ont décidé de quitter leur pays pour trouver une nouvelle terre d’accueil. Depuis mon retour ici, en ces temps de pandémie, j’ai visité les travailleurs saisonniers qui passent une partie de l’année dans notre coin de pays pour venir en aide à leur famille. J’ai eu la joie de découvrir la foi, la profondeur spirituelle de plusieurs d’entre eux.
Durant une célébration vécue avec quelques-uns d’entre eux, à Marieville, il y a quelques semaines, l’évangile était centré sur la formation des disciples, je leur ai demandé : « pour vous, que signifie être disciples ? » et le plus jeune du groupe, je crois, a répondu « être un disciple pour moi, c’est être un ami de Jésus » cette réponse m’a impressionné.
CE TEMPS DE GRÂCE
Le temps de l’Avent que nous vivons nous présente l’expérience de foi des pauvres : celle de Saint Joseph en cette année qui lui est consacrée et celle de Marie, qui n’est pas une personne isolée mais qui est fille d’un peuple. Durant ce temps qui nous prépare à la fête de Noël, nous voyons comment ils ont su non seulement entendre la Parole mais aussi la mettre en pratique, comment cette écoute leur a fait découvrir leur mission.
J’appartiens à la Société des Missions Étrangères qui célèbre, cette année, cent ans d’existence. C’est, durant des exercices spirituels vécus entre Noël et le Jour de l’An en 1959 que j’ai pris la décision de devenir missionnaire. J’ai la profonde conviction que ce temps de grâce de l’Avent et de Noël est particulièrement propice pour découvrir ou redécouvrir la vocation à laquelle nous sommes appelés.
Le témoignage de Marie et de Joseph est exemplaire. Ils nous montrent que tout est grâce et que Dieu nous parle même en songe comme nous le voyons dans l’expérience de Jacob qui, après un songe, dit : « Yahvé est en ce lieu et je ne le savais pas » (Genèse 28,16) Marie et Joseph font aussi cette expérience de la Mission de Dieu qui vient éclairer leur route. Dans son Magnificat, Marie chante Saint est son nom, son amour s’étend d’âge en âge (Luc 1, 49-50). Elle chante ainsi au moment où elle visite sa cousine Élisabeth. Cette visite l’ouvre toujours plus à l’action surprenante du Seigneur.
Cette visite est au cœur de la mission et de la fête de Noël qui approche. Quand, dans la nuit de Noël, les anges chantent Paix sur la terre ils nous invitent à découvrir que Jésus est notre Paix (Éphésiens 2,14) et qu’en Lui, peuvent disparaître les barrières qui séparent.