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AILLEURS DANS LE MONDE

L’INFANTICIDE RITUEL

L'élimination de l'infanticide rituel passe par des campagnes de sensibilisation demandant de l'audace et de la créativité. Ce thème a été abordé dans la même chronique lors du dernier numéro de la revue en octobre 2018. Franciscains Bénin mobilisent le théâtre, la troupe « Bossobipou », pour rejoindre 500 personnes, rencontrent des femmes dans une coopérative nutritionnelle, projettent des documentaires, diffusent des témoignages personnels lors de la fête Gaani du peuple barriba. Le virage se fait.

« J’ai été considéré comme un enfant sorcier, mes parents adoptifs avaient décidé de m’éliminer physiquement. Ils devaient m’attacher une lourde pierre aux pieds et une autre à la poitrine afin de s’assurer qu’en me jetant dans le fleuve, je ne monterais pas à la surface. Transporté chez mon père géniteur, celui-ci a refusé qu’on m’exécute. Pour confirmer clairement son opposition, mon père non seulement a-t-il décidé de me garder mais aussi de garder tous les enfants sorciers dont il avait connaissance. »

Boukoumbé, Sœurs franciscaines de Marie Immaculée

Le dernier numéro de Chemins franciscains évoquait l’engagement  de la famille franciscaine du Bénin dans l’élimination de l’infanticide rituel au nord de ce pays. Voici la description  d’une de ces campagnes de sensibilisation réalisée dans la commune de Nikki.

 

Nikki est une commune du nord-est du Bénin, située à une vingtaine de kilomètres de la frontière du Nigéria. La région possède une végétation de savane humide arborée, zone de transition entre le climat tropical sec et le climat humide de type sud-soudanais. La commune compte 160 000 habitants environ.

 

Un 11 décembre, 9 personnes de la famille franciscaines, religieuses et religieux, quittent Cotonou pour se rendre à Nikki pour y sensibiliser la population sur ce grave enjeu. Les séances de sensibilisation durent 4 jours.

 

Théâtre, discussions en ateliers, témoignages d’adultes qu’on avait déclarés enfants sorciers, films  documentaires, remises de polos et t-shirts publicitaires, danse, chants ponctuent ces journées d’animation. Après une journée d’évaluation tenue sur place,  le cortège de la famille franciscaine retourne sur Cotonou, la capitale.

PREMIÈRE JOURNÉE

Lors de la première journée, une première rencontre a lieu au Centre féminin  des Sœurs tertiaires capucines. Une trentaine de filles et d’animatrices participent à la rencontre. Les animatrices avouent avoir entendu parler  de rituels infanticides sans y avoir accordé d’importance.  Elles s’engagent désormais  à sensibiliser les populations locales.

 

Le soir, 500 personnes se retrouvent pour une pièce de théâtre présentée par la troupe « Bossopibou ». Elle met en scène la vie d’un couple dont l’enfant est né par le siège, signe de sorcellerie.  Or selon la tradition, l’enfant sorcier, n’a pas droit à la vie et doit être éliminé. Les parents découragés vont en parler à un oncle pour l’implorer de garder l’enfant en vie.  Ils y parviennent et le petit garçon devient une personnalité de son milieu et s’occupera de son oncle devenu vieux. La mise en scène terminée, des échanges se font dans l’assemblée. Des témoignages surgissent : « aucun enfant n’est sorcier, c’est la conception des anciens  et cette pratique doit être punie par la loi ». Une autre personne affirme vivre avec des adultes dont l’histoire les a considérés comme enfants sorciers, et qu’ils ne font de mal à personne. Un chauffeur de taxi moto cite quelques raisons d’accusation de nouveau-nés : dentition commençant par la mâchoire supérieure, naissance contre terre, naissance par le siège, etc. La soirée se termine par des danses, des chants et de la  poésie. On remet des t-shirt identifiés « Franciscains-Bénin, non à l’infanticide rituel ».

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LA DEUXIÈME JOURNÉE

La deuxième journée commence par une visite faite auprès d’une soixantaine de femmes d’une coopérative nutritionnelle. Plusieurs d’entre elles affirment avoir entendu parler de l’infanticide rituel, mais ne faisaient rien pour faire arrêter cette pratique. Sauf une femme qui prend la parole pour dire qu’on lui avait conseillé de se débarrasser de son enfant dont la dentition avait commencé par le haut.  Elle n’a pas suivi ce conseil et aujourd’hui elle est grand-mère d’un petit enfant dont le père aurait pu être victime d’infanticide naturel.

 

Le soir, deux documentaires sont projetés en présence d’au moins 800 personnes. Une personne se lève et témoigne. « J’ai été considéré comme un enfant sorcier, mes parents adoptifs avaient décidé de m’éliminer physiquement. Ils devaient m’attacher une lourde pierre aux pieds et une autre à la poitrine afin de s’assurer qu’en me jetant dans le fleuve, je ne monterais pas à la surface. Transporté chez mon père géniteur, celui-ci a refusé qu’on m’exécute. Pour confirmer clairement son opposition, mon père non seulement a-t-il décidé de me garder mais aussi de garder tous les enfants sorciers dont il avait connaissance ». Plusieurs autres témoignages ont lieu et la soirée se termine par des chants.

LA TROISIÈME JOURNÉE

La troisième journée est chargée. Tout d’abord, Franciscains-Bénin a profité de la fête Gaani qui rassemble le peuple barriba. Un jeune homme félicite Franciscains-Bénin en précisant qu’il est un enfant rescapé par un jeune cultivateur. Il ajoute que c’est très osé de la part de Franciscains-Bénin de faire une campagne de sensibilisation publique portant sur un pareil thème surtout pendant la grande fête régionale des barribas. Francicains-Bénin se joint à la fête qui regroupe des milliers de personnes

LA CAMPAGNE S’ACHÈVE

La dernière journée de sensibilisation a lieu au Complexe scolaire Saint-Augustin. L’équipe de Franciscains-Bénin a animé la moitié de la journée sur cet enjeu. Une grande surprise a été de noter que des enfants de 8 ans avaient connaissance de la pratique de l’infanticide rituel. Franciscains-Bénin exhortait tous les étudiants à dénoncer partout où ils se trouvent tout projet d’infanticide. Après distribution de bonbons et biscuits, on distribuait des polos qui identifiaient clairement l’information relative à la pratique de l’infanticide rituel.

La campagne de sensibilisation s’achève. En effet, une journée est consacrée à une réunion  de l’équipe pour évaluer l’événement et ranger le matériel. Et il faudra une autre journée pour que les membres de la famille franciscaine qui ont passé ces journées à Nikki puissent retourner à Cotonou.

CONCLUSION

Franciscains-Bénin poursuit son travail de sensibilisation sur cet enjeu. On peut consulter le travail de terrain poursuivi par Franciscains-Bénin en consultant le site www.franciscainsbenin.org

vol. 123, no 4 • Décembre 2018

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