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UNE INTUITION…

Robert Lebel nous parle d’un projet qu’il a  mis au monde,  en Estrie, au Québec, dans la région de Thetford Mines. Monsieur Lebel a grandi dans une région où cohabitaient des communautés de diverses confessions. Il désirait créer un lieu où pourraient cohabiter ces différences dans la prière et le ressourcement. Ce lieu porte le nom de Versant-la-Noël.
La caractéristique particulière de Versant-la-Noël est son ouverture sur l’œcuménisme et l’interreligieux. Robert Lebel nous conte la mise sur pieds de ce rêve qu’il surnomme
la Tente de la Rencontre.
ROBERT LEBEL

Robert Lebel est prêtre. Il est directeur du district canadien Volontas Dei. Il est bien connu au Québec comme compositeur-interprète depuis plus de trois décennies. Il est le fondateur, avec des collaborateurs précieux, de Versant-la-Noël, un lieu de prière et de ressourcement, reconnu pour son identité œcuménique et interreligieuse.

L’année 1996 marquait le centenaire de l’église de Pontbriand. Préparant cet anniversaire avec la communauté du village, j’ai été invité à créer des mots et des musiques pour l’évènement. En mijotant ces chansons et en m’imprégnant des sources de notre histoire locale, je me suis mis à penser à tous ceux et celles qui ont « écrit leur foi » ici même à Pontbriand et dans toute la région avoisinante de l’Amiante où l’on retrouve, comme dans bien des villages de l’Estrie, des communautés de diverses confessions.

« Tout petit, je comprenais mal qu’on puisse fréquenter nos voisins protestants et jouer avec eux… sans pouvoir entrer dans leur église. »
CÉLÉBRER LA DIVERSITÉ

Habité par cette ambiance et cette histoire… une intuition, un rêve, un projet se dessinaient en moi. L’idée de créer un espace de prière qui célèbre la beauté de notre histoire régionale marquée par la diversité culturelle et multiconfessionnelle : tout autour… lieux de culte catholique, églises Unies, presbytériennes, anglicanes, évangéliques et, sans lieu de culte, quelques familles d’origine ukrainienne et leurs racines orthodoxes. Peut-être était-ce un écho de ma mémoire d’enfant, moi qui suis né entre deux églises, protestante et anglicane, à Richmond. Tout petit, je comprenais mal qu’on puisse fréquenter nos voisins protestants et jouer avec eux… sans pouvoir entrer dans leur église.

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Et j’ai rêvé. Pour ne rien perdre de mon rêve… ce matin-là j’ai dessiné gauchement l’esquisse d’une toute petite chapelle avec des éléments architecturaux des diverses traditions chrétiennes : la haute flèche des clochers de nos églises québécoises, le pignon délibérément dépouillé des traditions protestantes, le « sein  maternel » si cher à la foi orthodoxe (Marie « Théotokos » mais aussi l’Église mère qui nourrit des enfants).

DE L’INTUITION À LA TABLE À DESSIN

Il m’était difficile de ne pas confier cette intuition à un petit groupe d’amis que je considérais des piliers de notre communauté chrétienne de grande foi et bon jugement. Pendant près de deux ans, nous réunissant discrètement, nous avons partagé, cherché et prié autour de ce rêve qui, petit à petit, devenait désormais un projet. Quand ce fut clair pour nous que ce projet avait un avenir, nous l’avons formulé et présenté aux instances civiles et religieuses à l’aide d’une maquette  en bois qu’un ami artisan nous avait préparée.

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Il dépassait maintenant le contexte des fêtes du centenaire de Pontbriand pour s’orienter davantage vers les fêtes du second millénaire de la Nativité de Jésus qui approchaient à grand pas. Il y aurait, au centre, cette petite chapelle œcuménique et tout autour, cinq ou six petits ermitages, sur un terrain qui nous était offert mais auquel nous avons renoncé étant trop loin en forêt. Nous avions l’œil sur un terrain plus facile d’accès un peu plus bas sur le même versant de montagne.

INTÉGRER UNE DIMENSION INTERRELIGIEUSE

Ayant, pendant cette même période, accompagné un groupe de pèlerins en Terre Sainte, il m’est paru évident que ce lieu devait revêtir non seulement une dimension œcuménique mais aussi interreligieuse… célébrant la beauté de toute prière qui monte vers Dieu. Louange pour l’unité accomplie (l’étage supérieur tout plein de lumière) et supplication pour l’unité à construire (la crypte obscure). Rêve d’unité des cœurs entre les croyants des traditions monothéistes, la foi chrétienne, juive et musulmane… avec à la base la foi d’Abraham… Ainsi l’esquisse se transformait pour saluer aussi la foi juive par l’étoile surplombant le portail d’Abraham et le croissant sur la tour palestinienne.

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Intégrant ces dimensions, ici aussi notre petit comité s’est d’abord présenté à l’hôtel de ville de Thetford où nous avons été fort bien accueillis et encouragés. Nous nous sommes présentés ensuite à la table de la pastorale régionale. Un choc au milieu de nos collègues : des mots durs de « rêves farfelus et déconnectés du réel », « d’inconscience et de naïveté » ; à leurs yeux, cette petite chapelle de seize pieds de large s’était transformée en une basilique énorme qui serait un scandale en un temps où les églises allaient être fermées faute de fréquentation. Sans juger, nous avons écouté leurs inquiétudes  et compris leur désarroi.

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La réponse de notre archevêque Monseigneur Maurice Couture a tranché la discussion et calmé les esprits. Avec une grande sagesse et un peu d’humour, il m’écrivait : « Cher Robert, c’aurait été tellement plus facile si tu m’étais arrivé avec un projet de chanson ! » Mais il consentait à bénir un lieu d’accueil qui contiendrait un petit oratoire. Il était heureux de voir notre désir de faire quelque chose pour créer un lieu de vie spirituelle adapté à notre temps, avec une préoccupation pour les jeunes. Sa belle lettre au ton juste et sans détour se terminait sur cette note d’espérance : « Quant à cette chapelle, le temps bonifiera le projet ».

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NAISSANCE DE VERSANT-LA-NOËL

Il n’en fallait pas plus à notre groupe pour se mettre à l’ouvrage, rassemblant des ouvriers bénévoles et recueillant les dons de toutes parts, en matériaux et en argent. C’était à l’automne 1998. Ainsi naissait Versant-la-Noël avec son pavillon d’accueil comportant six petites chambres, cuisinette, salon, oratoire. Cela fera bientôt 20 ans que nous recevons les groupes dans ces espaces restreints auxquels s’étaient ajoutés quatre ermitages.

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Peu de temps après son ouverture, avec une petite équipe formée de deux religieuses et un laïc, le centre s’est mis à fourmiller d’activités variées, tantôt à caractère œcuménique avec des représentants des confessions anglicanes ou protestantes du Québec, mais aussi d’Irlande, d’Écosse, de la Nouvelle-Angleterre ; ouverture de la table interconfessionnelle de la région à l’arrivée d’une co-équipière, prêtre anglicane ; retraites conjointes…

UNE DIVERSITÉ CRÉATRICE

Puis les activités jeunesse se succédèrent au fil du temps : groupes scolaires de diverses régions, Jeunesse Nouveau Monde, ou J.M.J, préparation aux sacrements, petites Brebis, projets missionnaires jeunesse, cellule Chanter la vie, Scouts, concours de chant et bien d’autres. Sont venus ensuite des groupes variés pour vivre des ressourcements : Vie montante, Méditation chrétienne, Cursillistes, Équipes Notre-Dame pour ne nommer que ceux-là. Ce pavillon fut aussi  le lieu de rencontre pour des mouvements tels la Croisée, Albatros, Creuser un Puits, Casira… sans oublier les rencontres mensuelles de la Table interconfessionnelle régionale.

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Grâce à des dons, la création du pavillon œcuménique il y a 10 ans, a donné un nouvel essor à tout le site ! Des groupes d’autres confessions en font un lieu fort de paix et d’unité, je pense particulièrement aux ressourcements Soufi  et aux amitiés spirituelles qui se sont créées et approfondies. Nous prions ensemble ! Et nous nous aimons dans la beauté et la richesse de nos différences.

« […] nous nous aimons dans la beauté et la richesse de nos différences. »

Nous voici à un nouveau tournant. Nos six petites chambres sont depuis longtemps insuffisantes pour les besoins. Une rallonge de douze chambres est en construction… comme quoi il y a un temps pour étendre les piquets de la Tente de la Rencontre.

vol. 122, no 3 • Octobre 2017

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