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RENCONTRE AVEC RAYMOND GRAVEL

Dimanche, le 22 juin dernier, j’ai eu la chance de partager un moment extraordinaire avec Raymond, dans l’intimité de son foyer. Au début, il me parla longuement de cette peur de souffrir qui l’habitait. « Ce n’est pas mourir qui m’effraie, dit-il, j’ai juste peur de souffrir. On m’a tellement répété que le Christ avait souffert pour nous que j’en étais venu à croire que nous en serions exemptés. Mais voilà que la douleur s’est installée petit à petit dans mon corps. Et de plus en plus… »
« Moi, c’est ici que je viens lire mon bréviaire. Vois le clocher de la cathédrale de l’autre côté. La rivière qui coule, les oiseaux qui gazouillent, j’vois passer un écureuil, de temps à autre, et j’entends les cloches. J’peux dire que c’est ici l’endroit où je me sens le plus près de Dieu. »

Photo: Gracieuseté

FRAGILE ET AIMÉ

Je le revois, tout frêle dans sa robe de chambre. « Tous les os me font mal ». Et montrant le bas de son cou, « le pire, c’est ici. C’est comme si le joug que je porte depuis trop longtemps devenait de plus en plus lourd. Certaines personnes me diront que c’est le poids de mes péchés, mais moi, je n’en crois rien. Si le pape François que j’admire autant se plaît à répéter qu’il est pécheur, ce serait nier mon humanité que de prétendre que je ne le suis pas. » Je lui dis : « Raymond, beaucoup te voient pourtant comme un saint. » Il réplique : « Ils ont entendu parler le prêtre que je suis et ils se sont fait une image de moi. Mais une chose est certaine, ils savent que je les aime profondément et que je ne les juge pas… comme dit le pape François, Qui suis-je pour juger ? »

« OUVRIR LES FENÊTRES »

« Tu cites souvent le Saint-Père ». Et le voilà reparti : « Tu sais, Yves, il est en train de rouvrir les fenêtres du Vatican. On dit que lorsque Jean XXIII est arrivé dans le palais pontifical, il a dit : Ça sent la poussière ici. Ouvrez les fenêtres… Il faut faire aérer tout ça. Mais hélas, ceux qui lui ont succédé les ont trop vite refermées. C’est maintenant tellement rempli de poussière, que le pape ne veut même pas y dormir, il préfère habiter à la résidence Sainte-Marthe », ajouta-t-il en riant aux éclats.

PRÈS DE DIEU

« Tu viens dehors ? », me demande-t-il. Il m’invite à descendre à la rivière. Le paysage est à couper le souffle. Au milieu de l’escalier, il y a un palier sur lequel on retrouve deux fauteuils Adirondacks. « Moi, c’est ici que je viens lire mon bréviaire. Vois le clocher de la cathédrale de l’autre côté. La rivière qui coule, les oiseaux qui gazouillent, j’vois passer un écureuil, de temps à autre, et j’entends les cloches. J’peux dire que c’est ici l’endroit où je me sens le plus près de Dieu. » Et il m’invite à m’asseoir.

LAISSE-MOI ESPÉRER…

On s’est tus pendant quelques minutes. Rompant soudainement le silence, Raymond me dit : « Yves, je voudrais écrire quelque chose et j’aimerais que tu puisses le lire à la communauté chrétienne de Saint-Pierre-Apôtre lorsque je ne serai plus là. J’aimerais pouvoir leur dire pourquoi j’aime aller présider l’eucharistie chez eux. J’aimerais aussi profiter de l’occasion pour leur demander d’avoir une pensée pour moi lorsque vous vous rassemblerez le dimanche. Tu sais, j’ai beau me raconter des histoires, je sais très bien que je ne les reverrai plus. Mais Yves, s’il te plaît, ne m’enlève pas les prédications déjà inscrites à mon agenda. Laisse-moi espérer, c’est tout ce qui me reste maintenant… ».


Il m’accompagna jusqu’à ma voiture. « Mardi, c’est la Saint-Jean et je vais faire l’homélie à la cathédrale. Ce n’est pas moi qui vais présider, je vais juste faire le sermon de circonstance ».  Je vous laisse avec un extrait de cette homélie : « Les prophètes d’aujourd’hui comme ceux d’hier doivent avoir l’audace d’emprunter des chemins nouveaux tout en faisant preuve d’humilité, c’est-à-dire savoir se retirer pour laisser la place à d’autres qui peuvent changer les choses ».

vol. 119, no 6 • 15 décembre 2014

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