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LAUDATO SI 

La publication de l'encyclique du Pape François sur l'environnement, Laudato Si, met en perspective deux hommes de sainteté, ayant vécu à 800 ans de distance mais qui partagent le même nom ainsi qu’une vision commune d'un monde, bâtie sur la communion, non la compétition, une planète protégée dans sa beauté et durable dans l'abondance pour les générations à venir.
Nous pouvons faire ce que nous voulons avec toute chose créée, à la condition de prendre soin de la création parce que c'est la création qui prend soin de nous.

En situant sa réflexion sur l'environnement  dans le cadre de la spiritualité de St-François, le Pape François cherche à révolutionner les attitudes contemporaines pour les amener à considérer la nature comme création et non simplement comme de la  matière et des objets.

Dans notre monde moderne, nous vivons avec ce préjugé de voir le monde autour de nous seulement du point de vue matériel. Après l’avènement des Lumières, au XVIIIe siècle, la nature est vite devenue comme une simple commodité dans un marché ouvert, prête à être utilisée et exploitée, achetée et vendue, vidée pour en tirer tout le profit possible, sans égard aucun pour sa signification profonde et sa raison d'être.

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Le Pape François reconnait les débats scientifiques qui entourent le changement climatique, mais il va beaucoup plus loin. Il dévoile ce que cachent ces débats, il pose la question de notre relation fondamentale à la Terre, la relation de l'un à l'autre, notre relation à Dieu comme créateur. Il privilégie une approche holistique ou globale quand il parle du changement climatique et du soin que nous apportons à notre planète.


Déjà il y a 800 ans, St-François faisait face à cette même question.

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Il a vécu à une époque de cupidité inouïe, de violence incroyable. Les gens étaient sacrifiés dans des batailles sanglantes et sans fin pour gagner à tout prix la domination économique. St-François connaissait ce cycle parce que lui et son père en faisaient partie, ils étaient un rouage de cet engrenage économique qui sacrifiait les personnes pour le profit. Après sa conversion, cependant, St-François a fait entrer le monde dans une nouvelle relation avec l'environnement. Il commença à établir une relation fraternelle avec toute la création.

Quand St-François regardait vers le ciel, il ne voyait pas que de la matière et des objets. Il ne voyait pas des centres de profits, des « vaches à lait ». Il voyait « Frère Soleil »  et « Sœur Lune », la création comme un cadeau reçu de Dieu, signes vivants d'un Dieu qui aime les hommes, les femmes, et que Dieu a doté de tous les dons qui les nourrissent, les soutiennent et les lient les uns aux autres. Dans la tradition catholique, nous parlons de Dieu qui se fait connaître à l'homme à travers deux livres: le livre sacré de l'Écriture, et le livre de la création. Nous entendons la voix d’un Dieu bon, aimant, qui nourrit et soutient avec force, comme l’exprime l’inépuisable diversité de Sa création.

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La tradition franciscaine a toujours affirmé que la création n'est pas pour « être dominée ». Nous pouvons faire ce que nous voulons avec toute chose créée, à la condition de prendre soin de la création parce que c'est la création qui prend soin de nous. Durant plusieurs années, j'ai siégé au conseil de direction, puis comme président de Franciscans International, un organisme non gouvernemental (ONG ) aux Nations Unies, travaillant pour la paix, la protection des pauvres et le soin de la création. Nous faisions partie de discussions internationales sur l'enjeu du développement durable, une option réalisable et capable d'établir un agenda économique qui attaque le problème de l'extrême pauvreté sans, en même temps, sacrifier la planète dans le processus. On entend souvent le commentaire qu'il est impossible d'atteindre en même temps ces deux objectifs. Pour élever le niveau de vie des pauvres, il faut ruiner la planète. Ce n'est tout simplement pas le cas.

Il s'agit là d'un état d'esprit que le Pape François et St-François ont en commun. Depuis la période des Lumières, une imagination entièrement sécularisée nous enseigne que Dieu est avare, et que nous sommes en compétition les uns contre les autres pour des ressources limitées qui nous viennent de ce Dieu mesquin. Dans la vision franciscaine, rien ne peut être plus loin de la vérité, Dieu n'est absolument pas avare. En fait, St-Bonaventure (un autre saint franciscain) décrit notre Créateur comme une « source de plénitude », une fontaine débordante de générosité, de créativité, d'ingénuité, jaillissant partout de bonté, de délicatesse et d'opportunité offerte d'une génération à l'autre. Le Créateur nous offre un monde d'une abondance incroyable et d’une diversité inouïe.

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Étant responsables de prendre soin de ce que nous avons reçu si généreusement de Dieu, nous devons protéger la planète. Le Pape François suggère qu'il nous faut développer une « écologie intégrale », c'est-à-dire que nous avons besoin de développer une attitude et une stratégie qui ne placent pas nos intérêts humains en opposition ou au delà des capacités de la planète. Nous avons besoin d'abandonner cet état d'esprit qui nous amène à voir la création comme une ennemie.

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Une relation fraternelle nous permet de travailler en coopération les uns avec les autres. Une telle coopération, réalisée en parallèle avec les plus hautes aspirations de Dieu et de sa création, permet de bâtir une économie et un mode de vie durable pour tous. Le profit immédiat ne peut pas être à la source de tout ce que nous entreprenons. Le Pape François considère cet état d'esprit comme faisant partie des « désirs dangereux » de notre époque en nous rappelant qu’ils ne peuvent que nous conduire à une plus grande polarisation et à des niveaux de violence accrues.

Le Frère David Couturier, OFM Cap., est doyen de l’École d’études  franciscaines à l’Université Bonaventure, N.Y.
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Nous vous invitons à consulter la vidéo duquel le texte de l’allocution du frère Couturier a été retranscrite.

vol. 121, no 3 • 15 octobre 2016

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