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LA GRÂCE DE L’ÉMERVEILLEMENT

PAROLES DE CLAIRE ET FRANÇOIS

SŒUR NOELLA clarisse du monastère de Sherbrooke

Soeur Angeluccia rapporte que lorsque madame Claire envoyait au dehors les sœurs quêteuses, elle les exhortait à louer Dieu chaque fois qu'elles verraient de beaux arbres fleuris et feuillus ; et elle voulait qu'elles fissent de même à la vue des hommes et des autres créatures afin que Dieu soit loué pour tout et en tout. (Pr 14, 9)
« On peut vivre intensément avec peu... nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu'offre la vie. »
Les deux François

Thomas de Celano, pourtant très bien documenté, n'a pas jugé bon d'insérer ce trait dans la biographie officielle de Claire. Pourquoi ? Serions-nous tentés de sourire devant la naïveté, « l'innocence » de Claire ou encore de porter un jugement malicieux, sur les motifs supposés de Celano.

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Une section de l'encyclique Laudato si' du pape François (cf. nos 220-223) invite plutôt à y découvrir une manifestation du bonheur profond de Claire, le bonheur d'une sobriété heureuse et reconnaissante découlant de son choix de vie en très haute pauvreté.

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Tout comme François qui, avec une amitié débordante, appelait frères et sœurs même les créatures les plus petites (cf. LM 6), Claire portait sur le monde un regard libre de toute convoitise, désencombré du désir de consommation et de domination. Son cœur restait ainsi largement ouvert à la grâce de l'émerveillement.

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Reconnaissons-le, nos préoccupations écologiques actuelles ont pour mobile premier la peur, la crainte justifiée de voir se détériorer irrémédiablement notre milieu de vie, notre « maison commune ». Une abnégation lucide s'impose. Nous savons par ailleurs qu'une austérité pratiquée dans la contrainte et l'insécurité risque d'engendrer frustration, colère et injustice, de provoquer de graves crises sociales et de conduire finalement, par un retour de balancier, à une situation pire que la crise actuelle. D'où la nécessité d'étayer nos changements de comportements par une véritable conversion du cœur.

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Avant l'heure, Claire et François ont fait l'expérience d'une écologie intégrale et heureuse fondée sur la pauvreté intérieure et une humble dépendance confiante envers le Créateur de toutes choses. C'était déjà la « conversion écologique » dont parle le pape François. Une conversion qui implique la conscience amoureuse de ne pas être déconnecté des autres créatures, ... en reconnaissant les liens par lesquels le Père nous a unis à tous les êtres. Le pape transmet au monde contemporain le secret de la joie franciscaine. Il propose à tous de tenter l'expérience de renoncer librement à la tentation de consommer abusivement et de tout dominer, pour découvrir que le fait d'être sereinement présent à chaque réalité, aussi petite soit-elle, nous ouvre beaucoup plus de possibilités de compréhension et d'épanouissement personnel. La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété et une capacité de jouir avec peu. Le bonheur profond suppose gratuité et communion.

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Avec des accents de prophètes jongleurs, les deux François proclament à qui veut les entendre, un vigoureux message : La sobriété, vécue avec liberté et de manière consciente, est libératrice. ... Ceux qui jouissent plus et qui vivent mieux chaque moment sont ceux qui cessent de picorer ici et là en cherchant toujours ce qu'ils n'ont pas, et qui font l'expérience de ce qu'est valoriser chaque personne et chaque chose, ... en sachant jouir des choses les plus simples. On peut vivre intensément avec peu ... nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu'offre la vie.

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En communion avec Claire qui mourante, bénissait le Seigneur de l'avoir créée, nous pouvons, reprenant la prière du pape à la fin de son encyclique, solliciter la faveur de goûter nous aussi la grâce de l'émerveillement : Ô Dieu, Un et Trine, communauté sublime d'amour infini, apprends-nous à te contempler dans la beauté de l'univers, où tout nous parle de toi. Éveille notre louange et notre gratitude pour chaque être que tu as créé...

vol. 120, no 4 • 15 octobre 2015

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