GENS QUI INSPIRENT
QUAND LE DÉSIR DE SERVIR SE DÉPLOIE
JOANNE LIU, PRÉSIDENTE DE MÉDECINS SANS FRONTIÈRES
Joanne Liu est née à Charlesbourg, de parents immigrants chinois, propriétaires d’un restaurant asiatique dans la vieille capitale. À 13 ans, comme plusieurs adolescentes, elle traverse une crise existentielle et cherche des réponses à ses questions. Un jour, sa mère lui offre en cadeau un récit de mission intitulé : « Et la paix dans le monde, docteur ? » décrivant l’aventure d’un médecin sans frontières en Afghanistan. Une étincelle jaillit : Elle ira travailler à l’étranger auprès des plus démunis. Après ses études secondaires, tous ses choix s’orienteront en fonction de son désir : offrir une aide médicale d’urgence à des populations victimes de guerre, d’épidémies, de famines et de catastrophes naturelles. Pour cela, elle deviendra pédiatre, une profession exportable partout.
« La mère congolaise qui marche pendant des jours pour venir me voir avec son enfant sur le dos, c’est elle la vraie héroïne ».
Joanne Liu
Dans les années 80, elle déménage à Montréal et s’inscrit pour le doctorat à la Faculté de médecine de l’Université McGill. Plus tard, elle suit une formation de deux ans en urgence pédiatrique dans un hôpital de New York, reconnu pour sa clientèle issue de milieux défavorisés où l’on y soigne régulièrement des blessés par balle et armes blanches. De retour, elle devient professeur de clinique pédiatrique à l’université de Montréal, tout en poursuivant sa profession de pédiatre-urgentiste à Sainte-Justine.
En 1996, elle devient membre de Médecins sans frontières et commence sa carrière humanitaire auprès des réfugiés maliens. Elle est envoyée auprès des victimes du séisme et de l’épidémie de choléra en Haïti, du tsunami en Indonésie ; elle œuvre dans les zones de conflits au Congo, en Centrafrique… Rapidement, elle occupe le poste de directrice des programmes pour Médecins sans frontières à Paris, un gigantesque organisme qui emploie 30 000 personnes et qui prodigue huit millions d’interventions médicales annuellement. En 2002, elle devient présidente du conseil d’administration de Médecins sans frontières-Canada. Elle reçoit, en 2011, le prix Femmes de mérite du YMCA de Montréal et le prix Teasdale-Corty d’action humanitaire du Collège Royal des médecins et chirurgiens du Canada.
En 2013, Docteure Joanne Liu est élue présidente de MSF International. Elle devient ainsi la première Québécoise à occuper la tête de la prestigieuse organisation. Elle connaît les dossiers qui l’attendent : la Syrie et ses quatre millions de déplacés et les deux millions de réfugiés, les combats qui perdurent depuis des années en Afrique, en Inde et au Moyen Orient… Ne dites surtout pas à Dre Joanne Liu qu’elle est extraordinaire. Elle vous répondra : « La mère congolaise qui marche pendant des jours pour venir me voir avec son enfant sur le dos, c’est elle la vraie héroïne ». En réponse à la question d’un médecin qui lui demandait comment elle fait pour garder la tête froide en zone de conflits, elle répond : « Surmonte ta peur. Ne joue pas le rôle de la victime », conseil prodigué par sa mère lorsque Joanne enfant était victime d’intimidation à l’école en raison de ses origines chinoises.
À quelques semaines de la fin de son mandat à la tête de Médecins sans frontières, la Dre Joanne Liu est sur les rangs pour conserver la présidence. Elle explique que ce sont les nombreux projets qui lui tiennent à cœur et qui l’incitent à déposer à nouveau sa candidature. Parmi ses projets « sur le feu » qu’elle compte faire valoir aux membres votants, elle cite le développement de la télémédecine, l’accessibilité aux écographies et une plus grande collaboration avec de grandes universités. « Mon rêve, c’est de finaliser certaines choses, ou au moins, les mettre sur les rails et ainsi, amener MSF dans le XXIe siècle en matière de pratique médicale ».
Poussée à l’avant-scène ces dernières années, dans la foulée de plusieurs crises internationales, Joanne Liu doit vivre avec une exposition médiatique qui ne semble pas plaire à tous au sein de l’organisation. Elle-même ajoute : « Ça crée beaucoup de tensions, ce n’est pas gagné d’avance. »