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AU-DELÀ DES APPARENCES

HISTOIRE FRANCISCAINE D'ICI

Chère Denise… je te laisse sur cette page une toute petite trace de ma présence, comme une interprétation fugace de ce que je fus pour toi. Ici, tu ne peux me voir, me prendre dans tes bras, mais je suis là. Imagine-moi comme la brise caressante. Au-delà des montagnes, de ma vie de femme, je vis ce qui m’est possible de vivre, mais sur un autre plan.
L’amour ne se préoccupe pas des distances et des frontières. Son action et son étendue vont au-delà des apparences.

Ici, tout baigne dans la lumière. Comme chez toi aux Trois-Rivières, les plaines enneigées s’élancent sur des horizons infinis. Tout n’est que calme, bruissement à l’oreille, sérénité… paix pour mon âme. D’où je suis, même si j’ignore où je suis, je te perçois. Hier encore, assise sur ta chaise de bois près de la fenêtre dans ton petit boudoir, je te regardais pleurer. Je comprends ta tristesse, mais sache que ta mère vit toujours! Et je ne suis pas seule, ton père André aussi est là. Il dit que je suis morte sans l’être vraiment. Je ne suis pas certaine de comprendre. Il est vrai que j’étais malade, mon corps était chancelant, mais à présent, je vais bien. Je respire avec aisance. J’ai même le goût de rire. J’ai toujours aimé rire, comme toi d’ailleurs. Ce qui a changé, c’est mon corps. Je le sens différent, enveloppé de mystère, comme un autre moi-même. Tu sais, Félix Leclerc disait que « la mort, c’est plein de vie là-dedans! » Il a raison. Je me sens vivre de telle sorte que j’ai peine à me reconnaître et à l’expliquer. C’est comme si je n’avais plus d’entraves aux chevilles. En fait, je ne sais pas ce qui m’arrive, mais j’ai le sentiment que l’on m’appelle ailleurs. Ton père n’arrête pas de me répéter que je finirai par comprendre. Il affirme qu’un très beau voyage nous attend. Et pour cela, il faut se préparer le cœur, l’habiller d’amour, laisser derrière soi la souffrance, l’inquiétude, la peur. Il faut accepter, pardonner. J’ai hâte de partir ma Nounou, mais je crains de vous quitter, toi, ton frère, toutes ces personnes que j’aime.

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Ma chérie, je t’aime tellement. Comment pourrais-je te remercier pour toutes ces attentions ces derniers mois. Ta présence chaleureuse, ta bienveillance à mon égard. Je te sens si proche. C'est pourquoi j’aime passer quelque temps chez toi dans ta petite maison de poupée. Théodore et Charlotte apprécient mes visites maintenant. Ils viennent se blottir sur mes genoux, câlins, charmants et affectueux. Qu’ils sont adorables ces chats. Oh, n’aie crainte, je respecte ton intimité, mais je suis bien chez toi. Je me présente quand toute la maisonnée est au repos. Je vais aussi quelques fois chez Jean-Pierre et Denis, ils ont tant besoin de moi. Mais, ils ont aussi besoin de toi, ma chérie. Ta voix les rassure. Oui, oui, il y a une grande force en toi, une douceur, une fermeté réconfortante…c’est comme de la musique. Nous en avons besoin pour bâtir ce monde dans la paix, le respect et le dialogue.

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Tu seras surprise d’apprendre ma chérie que j’étais à ton concert de gospel. Grand Dieu! Qu’il y avait de l’amour dans cette église et du monde! Tu étais resplendissante dans cette toge bleue au milieu de tous ces choristes. Ton père a adoré la musique. On a écouté avec beaucoup d’intérêt. Quelle énergie ! Dis-moi, cette personne en bure brune qui vous dirigeait, c’était bien le franciscain avec lequel tu as fait ton voyage en Israël ? Il émane de cet homme beaucoup d’amour. Continue de le suivre.

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Je suis fatiguée, il faut que je me repose. J’aimerais te dire ceci : sache que ta mère sera toujours près de toi pour t’aimer. L’amour ne se préoccupe pas des distances et des frontières. Son action et son étendue vont au-delà des apparences. Qu’il m’est difficile de comprendre tout ce qui m’arrive. Mais, je sais que j’y parviendrai. Prie pour moi, ma fille. N’oublie pas, je serai toujours là puisque nous sommes nées pour l’éternité. 


Ta mère Yolande.

vol. 119, no 1 • 15 janvier 2014

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