
MON PARCOURS DE CROYANT
DANS UNE SOCIÉTÉ LAÏQUE
Je pense possible le passage d’une société chrétienne à une société laïque et que les religions ont elles-mêmes leur part à jouer.

Il m’est proposé de raconter la petite histoire de mon parcours de croyant dans un Québec dont l’identité catholique s’est transformée au cours des années.
Je suis né en 1965 dans la petite ville de Sainte-Agathe-des-Monts dans les Hautes-Laurentides, dans une famille canadienne-française où mes parents ne se sont probablement jamais posé la question de la transmission de leur appartenance religieuse à leurs enfants. J’ai fait ma scolarité à l’école primaire Notre-Dame-Dame-de-la-Sagesse auparavant dirigée par des religieuses. Le bâtiment était situé à côté du cimetière et en face du presbytère et de l’église où j’ai fait ma première communion, préparé par une religieuse des Filles-de-la-Sagesse qui donnait l’enseignement religieux. J’ai toujours dans mon album, une photo me représentant agenouillé sur un prie-Dieu.
Lors de mon inscription au club de hockey mineur, nous avions besoin de sortir de cet univers tissé serré pour nous rendre au bureau de poste et demander un numéro d’Assurance sociale, délivré non plus au bureau du presbytère, mais par le gouvernement fédéral. À partir de ce moment-là, j’avais une identité plurielle. Une décennie plus tard, mon certificat de naissance récupéré au presbytère, répondait aux exigences demandées dans ma requête à l’agence fédérale pour ma première demande de passeport canadien. En 2011, j’y suis retourné pour obtenir mon certificat de confirmation en vue de mon mariage religieux. Cette fois, c’était cependant de la régie interne, mais il fallait être un bon funambule pour assumer cette identité mouvante.
Mon grand-père maternel, né au faubourg « à m’lasse » à Montréal a pu accéder aux études en médecine grâce à une congrégation religieuse qui l’a pris sous son aile. Il allait chanter tôt aux messes chaque matin et ainsi se faire un peu d’argent de poche. Remarqué par les religieux de la communauté qui voyaient en lui un bon candidat pour garnir les rangs d’une Église en plein déploiement, ils ont offert à ses parents de prendre en charge ses études classiques. C’était la société religieuse de l’époque.
Puis vinrent pour moi, les études au CEGEP de Sainte-Thérèse et, par la suite, à l’université de Montréal. Un jour, l’association étudiante décida de voter pour que cessent toutes les allocations versées à l’activité pastorale chrétienne de l’établissement. Le Centre étudiant Benoît-Lacroix y avait des ramifications. Ce fut pour moi le début d’un positionnement : être chrétien par ma présence dans un monde en quête de sens.
UNE LAÏCITÉ, PART COMMUNE DES CROYANTS ET DES NON-CROYANTS
Quand je regarde en arrière, j’ai l’impression d’avoir appartenu très jeune au mouvement de laïcisation du Québec. J’ai grandi dans l’ombre de Guy Rocher décédé récemment, penseur québécois considéré comme l'un des architectes du Québec moderne, réformateur de l'éducation qui a donné accès à une éducation publique et laïque.
Au milieu des années «90 », je me suis joint à une fraternité de jeunes adultes avec Georges Convert, prêtre ouvrier, fondateur de la Mission Saint-Pierre et Paul dans la lignée de Jacques Loew. Plus la société québécoise se laïcisait, plus je développais mon ancrage dans un monde qui nous renvoie à notre humanité commune que nous sommes tous appelés à approfondir, à faire croître dans le monde qui nous est donné.
Comme rédacteur en chef de la défunte revue Relations, Jean-Claude Ravet écrit : J’ai toujours plaidé en faveur d’une compréhension de la laïcité qui n’est pas fondée sur l’invisibilisation des religions et des croyants, ni encore moins leur rejet, menant à faire de la laïcité une religion dominante. Ce qui en est cependant exclut dans l’espace publique, c’est toute prétention, de leur part, à la vérité inquestionnable, à la domination, à l’embrigadement.
J’ai grandi avec une petite voix qui m’a toujours soufflé à l’oreille : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père dans le secret ». Tout dans mon héritage chrétien me conforte dans cette vision. Je pense possible le passage d’une société chrétienne à une société laïque et que les religions ont elles-mêmes leur part à jouer. Les médias ont aussi la responsabilité dans ce phénomène en ne parlant généralement de la religion qu’en rapport à ses manifestations négatives, dogmatiques et sectaires.
À priori, il est donc justifié de se demander si nous avons bel et bien affaire à une problématique religieuse. Stéphane Bürgi, docteur en étude du religieux contemporain se demande s’il ne s’agit-il pas davantage d’une mauvaise compréhension de la laïcité? Au Québec, écrit-il, il existe peu d’études qui permettraient de mesurer l’ampleur du phénomène d’entrisme religieux. On peut même se demander si la frustration liée à des mesures restreignant la liberté des croyants ne ferait pas que faciliter la radicalisation idéologique.
Je partage la conviction de François Gloutnay : la laïcité ne doit pas devenir la chasse-gardée de militants antireligieux.

