La chronique nous permet d’entrer dans l’univers de Thomas Berry, dont le livre Le rêve de la Terre, paru en 1988, vient juste en 2021, d’être offert en version française. Une lecture qui peut permettre une conversion environnementale.
Thomas Berry, Le rêve de la Terre, Montréal, Novalis, 2021, 286 p.
« L’univers est une communion de sujets et non une collection d’objets. » [1]
Quelle érudition chez Thomas Berry, cet auteur qu’on devine passionné ! Le rêve de la Terre paraît en 1988 dans sa version originale et rassemble une quinzaine d’essais rédigés par cet historien des cultures et universitaire américain reconnu comme l’un des pères de l’écospiritualité [1]. L’ouvrage n’a été offert en version française qu’en 2021 grâce au traducteur Daniel Laguitton. S’il y a de quoi s’étonner d’un tel retard, réjouissons-nous de cette arrivée dans nos librairies d’autant plus que Laguitton a eu le souci de présenter entre parenthèses la mise à jour, à quelques décennies d’intervalle, des statistiques citées.
Lorsque Berry mentionne le nom de la planète que nous habitons, il l’écrit toujours avec une majuscule. Son ultime souhait : que nous développions un rapport d’intimité avec la Terre conçue comme biosphère. Ne serait-ce pas une manière de nous disposer à la respecter davantage, car enfin qui oserait bafouer l’être adulé ? Plus encore, l’universitaire ne manque pas d’évoquer la généalogie de la planète, rappelant combien l’époque actuelle ne représente qu’une infime fraction de la ligne du temps de l’univers. Or l’espèce humaine y est la dernière apparue…
Ses vastes connaissances nous sont présentées simplement sans jamais nous écraser de son immense savoir. Il sait réfléchir aux diverses dimensions de la vie en évitant le piège de les concevoir en silo; au contraire, l’auteur les voit plutôt comme un ensemble d’éléments en interaction qui forment une « communauté planétaire. » D’où son affirmation que « L’univers est une communion de sujets et non une collection d’objets. » [2]
Berry emprunte parfois un ton poétique, sachant toutefois user habilement de formule choc telle : « S’il existait un parlement des créatures, sa première décision pourrait être de voter l’exclusion des humains de leur communauté, dans la mesure où ils sont une présence trop létale pour être tolérée plus longtemps. » [3] Ou encore sur un tout autre ton : «Il nous faut… une assemblée des espèces unies et pas simplement une assemblée des Nations Unies. » [4]
L’auteur sait se montrer critique face au christianisme qui porte une certaine responsabilité dans ses complicités avec la société industrielle. Mais j’ai particulièrement apprécié son onzième chapitre où il revisite le patriarcat en expliquant que la société matriarcale se montrait tellement plus respectueuse de l’environnement. Par ailleurs et dans l’un de ses autres essais, il propose même de repenser le programme d’éducation des états [5].
Bien que fort lucide quant aux dommages causés à notre planète par le développement industriel, il n’en est pas moins optimiste devant la mobilisation tant citoyenne, scientifique et politique (les Verts). L’universitaire croit au potentiel humain de créativité pour trouver des solutions permettant la guérison de la Terre. Mais il partage sa conviction que pour y arriver, nous devrons effectuer le passage incontournable d’une norme anthropocentrique du progrès à une norme biocentrique de celui-ci.
Cette lecture procurera du plaisir à qui est curieux intellectuellement comme à la personne soucieuse de l’environnement. Parions que parmi son lectorat, il s’en trouvera qui amorceront une véritable conversion environnementale.
NOTES
1. C’est ce que nous apprend une note en quatrième de page, i.e., la couverture qui clôt le volume.
2. Idem, p. 249.
3. Op. cit., p. 255.
4. Op. cit., p. 196.
5. Au chapitre 8.