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GENS QUI INSPIRENT

CLAUDE LEFEBVRE, UN HOMME AU GRAND CŒUR

ROGER BELISLE, sc

Il y a de ces personnes que l’on découvre en observant les nombreuses traces qu’elles ont laissées. Claude Lefebvre fait partie de ces gens-là. Si je l’avais déjà rencontré brièvement à l’époque où il était aumônier à la prison Parthenais, ce n’est qu’à partir de 2011 que j’ai découvert l’être exceptionnel que fut Claude à travers son passage dans le Centre-Sud montréalais.

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« Merci Seigneur. Il m'a été donné de faire un excellent voyage. Je suis heureux d'avoir misé ma vie sur Toi. »

Je vous invite donc à remonter le temps dans la vie de ce Fils de la charité au grand cœur.

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Né à Montréal  le 4 septembre 1932, de parents commerçants, Claude est le dernier d'une famille comptant sept enfants. Toute sa vie, il a pris grand soin des membres de la fratrie et il a su être un oncle apprécié de ses neveux et nièces.

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Lorsqu’à 21 ans, il étudie au séminaire de philosophie à Montréal, Claude confie à son frère Maurice, Oblat de Marie Immaculée, son désir de devenir prêtre-ouvrier. Son cadet lui suggère alors d’entrer en contact avec les Fils de la Charité. Séduit par le père qui l’accueille, Claude se retrouve plus tard à Meudon en banlieue de Paris, pour y entreprendre son noviciat. Deuxième Québécois à se joindre aux Fils de la Charité, il prononce ses premiers vœux en 1957 et revient faire sa théologie au Québec avant son ordination sacerdotale le 18 juin 1960. Une première nomination l’envoie vicaire à Saint Thomas-de-Villeneuve dans le diocèse de Saint-Jean Longueuil, avant de succéder à son confrère comme curé jusqu'en 1965.

UNE ANNÉE DÉCISIVE 

Claude passera l’année suivante à Lille à l'École Missionnaire d'Action Catholique et d'Action Sociale dirigée par Jérôme Régnier, prêtre et directeur de cette école. Il en restera marqué au point d’amorcer un tournant dans son ministère. Le Fils de la charité conservera d’ailleurs toujours des liens d'amitié profonds avec ce prêtre. Commence alors ce que notre héros appellera « sa période active ».

«SA PÉRIODE SUPER ACTIVE»

L’homme est adroit de ses mains et travaille comme ouvrier-artisan. On raconte qu’il aimera toujours travailler le bois et même sculpter. A la mort du père responsable régional de la communauté au Québec, Claude lui succède. Puis il contribuera aux débuts de la fondation américaine, notamment comme accompagnateur du premier novice américain. Après ce séjour aux États-Unis, il revient au Québec à l'automne 1973 et peut s’adonner entre autres à l’animation populaire.

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Louis Bériau qui l’a bien connu, reconnaît chez ce prêtre-ouvrier une capacité à voir les situations problématiques vécues par les populations moins nanties et la préoccupation d’en regrouper les victimes pour s’attaquer avec eux aux problèmes rencontrés. Claude en fait des acteurs pour les rendre autonomes. C’est ainsi que sont nés tour à tour avec les gens concernés, le Comité social Centre-Sud et plus tard, Interloge.

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Le Comité social Centre-Sud
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Fondé en 1971, l’organisme poursuit le triple objectif de dépanner, éduquer, lutter. On achète quatre ans plus tard une terre « d’environ cent arpents à Saint-Gérard-de-Magella dans Lanaudière (pour en faire une ferme communautaire permettant d’offrir) aux gens du quartier un espace de plein air » [1] hors de la ville. La propriété compte une partie semi-boisée aménagée en terrain de camping permettant aux membres d’y faire un séjour durant l’été. Mais la terre va aussi servir à expérimenter la culture maraîchère. On le voit, Claude Lefebvre et ses cofondateurs  portent le souci d’offrir nourriture et loisirs aux gens moins nantis.

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Petit à petit, l’organisme s’est vu confier la gestion d’un édifice excédentaire [2] de la Commission des Écoles Catholiques de Montréal afin d’en faire un Centre d’éducation populaire [CEP]. On y trouve aujourd’hui une cantine ouverte en semaine qui offre petits déjeuners et dîners chauds à prix fort abordable, cantine opérée par le Comité social. L’édifice abrite notamment la principale banque alimentaire du secteur (Info alimentaire populaire Centre-Sud), un organisme d’alphabétisation (l’Atelier des lettres), une friperie, le Comité Logement Ville-Marie et un atelier d’informatique où les membres abonnés peuvent utiliser un ordinateur, s’inscrire à diverses formations et même accéder à un compte Internet.

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Interloge​

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Le quartier compte un important vieux bâti. Face à ce constat, Claude Lefebvre participe à la fondation d’une entreprise d’économie sociale en avril 1978 pour répondre au besoin criant de logements décents et à prix abordables dans ce secteur montréalais. L’organisme à but non lucratif achète des édifices à logement et les rénove pour remettre les appartements sur le marché locatif à 30 % en bas du prix du marché. Ces logements sont loués en priorité aux ménages vivant sous le seuil de faible revenu avant impôt. [3] L’entreprise a pris une telle expansion qu’elle se retrouve aujourd’hui propriétaire d’un parc immobilier qui compte au-delà de 730 logements.

L’AUMÔNIER DE PRISON

Nous avons évoqué plus haut le ministère exercé depuis 1990 par Claude Lefebvre à la prison Parthenais, un établissement abritant des contrevenants en attente de procès. Il y exercera ce rôle durant une dizaine d’années. Ses confrères religieux ont décrit cette période de sa vie comme « un ministère passionnant qui laissera de grandes traces dans le cœur de Claude. » [4] Car cet homme au grand cœur se sera laissé toucher au point de fonder l’organisme Relais famille [5] pour soutenir les proches des personnes incarcérées.

CLAUDE LEFEBVRE, UN HOMME À LA FOI BIEN ENRACINÉE

L’expérience vécue précédemment à Lille l’a conduit à fonder en 1970 le Centre de pastorale en milieu ouvrier [CPMO] tout en commençant un travail d'animation sociale. «Premier centre de formation pour des prêtres impliqués en milieux ouvriers et populaires au Québec » [6], il est résolument autonome face à la hiérarchie de l’Église catholique. Le CPMO s’est progressivement ouvert aux laïcs afin d’y poursuivre son objectif et de préparer simultanément des agents multiplicateurs. Pour ma part, j’estime qu’un tel Centre s’inscrivait dans le christianisme social au Québec. Il subsiste aujourd’hui sous l’appellation de Carrefour de participation, ressourcement et formation [CPRF] [7].

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Un confrère ayant vécu longtemps avec Claude, Michel Gauvreau, retient de lui qu’il fut un être foncièrement libre. À preuve, le prêtre-ouvrier a réuni à partir de 2006, d’autres prêtres afin de promouvoir la liberté de pensée et de parole dans l’Église. C’est ainsi que sont nés les Forum André-Naud [38], lesquels se sont rapidement ouverts aux laïcs.

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SA FIN DE VIE

Les Fils de la charité ont retrouvé dans ses papiers cette prière « Merci Seigneur. Il m'a été donné de faire un excellent voyage. Je suis heureux d'avoir misé ma vie sur Toi. » Les funérailles de Claude ont pris la forme d’une d'action de grâce célébrée le samedi 18 juin, jour anniversaire de son ordination presbytérale, en l'église Saint Édouard à Montréal, une ancienne paroisse sous le pastorat des Fils de la charité. Quelle vie féconde il aura eue !

EN CONCLUSION                                                                                           

Les personnes consultées pour rédiger ce témoignage ont fait ressortir le calme et la prestance de Claude Lefebvre. Ils ont conservé de lui le souvenir d’un homme impressionnant, à l’écoute et très sensible à tout ce qui se passait dans son milieu de vie. Au terme de cet article, comprenez-vous pourquoi j’ai choisi de présenter dans la chronique « Ces gens qui inspirent » le pasteur qui s’est fait prêtre-ouvrier doublé d’un animateur social ?

NOTES

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[1] Alexandre Leduc et David Clos Sasseville, Comité social Centre-Sud - d’hier à aujourd’hui, Montréal, Comité social Centre-Sud, août 2008, p. 34.

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[2] L’ancienne école  Salaberry située au 1710, de la rue Beaudry, à l’angle des rues Beaudry et Robin.

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[3] : https://interloge.org (consulté le 8 sept. 2021).

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[4] Pierre Tritz pour le Conseil général  avec Ugo Benfante, Michel  Gauvreau, Claude  Julien et  Lorenzo Lortie, Claude Lefebvre 04/09/1932 – 09/06/2011, Chronique nécrologique publiée le 15 juin 2011 par les Fils de la charité, p. 1.

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[5] v : https//relaisfamille.org : Relais Famille a ouvert ses portes en 1998, de l'initiative de personnes oeuvrant auprès de la population carcérale.

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[6] Louis Bériau, Renseignements tirés de diverses sources.

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[7] v : https://lecprf.org

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[8] v : https//ledevoir.com/opinion/chroniques/123629/ forum -andre-naud-promouvoir-la-liberté-de-pensee-et-de- parole-dans- l'eglise.

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vol. 126 no 3 • Octobre 2021

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