Nous sommes entrés subitement dans une bulle où tout s’est arrêté, s’est tu, habités par la peur, l’inconnu, l’inattendu. Ralentis, immobilisés, au milieu d’une brume dense qui bouche tout horizon, nous nous relevons lentement.
C’est l’Espérance qui ouvre l’horizon, l’espérance qui nous fait tenir et marcher vers l’horizon que nous devinons devant nous.
Notre comité de rédaction a connu ses secousses avec la perte de notre directeur, Pierre Viau, capucin, emporté par le virus de la Covid-19. L’évènement nous a interrogés et c’est de là que s’est imposé le thème de notre numéro, « l’Espérance ouvre l’horizon », faisant d’ailleurs écho ainsi à la réaction dominante dans nombre de milieux, véhiculant un message d’espérance.
Au moment de solliciter un premier texte auprès de Mgr Christian Rodembourg, celui-ci était déjà dans la préparation d’une lettre pastorale à son peuple. « Oser l’espérance », avec son autorisation, est devenue notre premier article, qui respecte l’intégralité de la lettre parue, et exactement au cœur du message de notre thème. « La vie est plus forte que la mort. L’espérance est plus forte que le désespoir ». C’est ainsi que l’espérance, comme une ancre, s’accroche à ce que nous vivons, sachant que « nous ne serons pas emportés ou perdus en vain ». Elle devient comme un « antidote à la désespérance « au milieu d’un monde en feu ». L’espérance nous tourne vers les autres que nous aimons, elle devient notre tâche, génère au cœur une joie puissante, nous garde dans « une veille vigilante », pour accueillir « la présence dynamisante de l’Esprit ».
Dans un 2e texte, André Racine, franciscain, nous livre sa réflexion : « les aînés donnent vie ». Ce sont eux qui sont emportés, à 75 %, dans cette crise du virus. Ils sont devenus vulnérables à cause de l’âge, à cause des conditions de l’environnement de vie, à cause de l’oubli souvent où plusieurs sont laissés. « La vie est sacrée » même si nous la malmenons et la méprisons par nos gestes parfois. André nous rappelle que « la vie continue de grandir », elle ne nous appartient pas et à travers cette diminution vécue de toutes capacités, se tisse la réconciliation du passé, du présent, de l’ouverture à l’avenir, unifiant intérieurement tout l’être.
Jacques Mathieu, capucin, dans un 3e texte, constate le début du moment du décompte, « où en sommes-nous ? ». Malgré un enchaînement de cataclysmes, il observe « beaucoup de positif dans notre monde », l’entraide internationale, les avancées médicales, les prouesses technologiques. « Les habitants de la terre se découvrent une seule famille ». Mais l’essentiel est de « tenir », « tenir en s’appuyant sur quoi ou sur qui ? » « À qui irions-nous, Seigneur ? » La vie est mouvement, elle est un élan, nous y entrons, elle n’est pas un produit de notre création. « …ma folie à moi, c’est d’espérer. Marcher là où il n’y a pas de chemin ». « Avance en eaux profondes ». Cet engagement auprès des plus vulnérables révèle une autre image de Dieu agissant à travers ses fils et ses filles.
Les chroniques que nous vous offrons complètent le thème de notre numéro. Gens qui inspirent est rédigée par Gabriel Lescure, du groupe D-Click. Il rend un hommage bien senti à Pierre Viau, capucin, disparu si soudainement. Ce nom de Pierre Viau est derrière le présent numéro. Pierre est plus qu’une statistique de la Covid.
En pleine action, chronique rédigée par Lévi Cossette, franciscain, met en lumière un impact de la pandémie dans le secteur de l’aide alimentaire. Toute l’attention est centrée d’abord sur la protection de soi. Il faut peu de temps à cet organisme communautaire niché dans l’aide alimentaire, pour se redresser. « Penser à soi n’annule pas le penser à l’autre et aux autres ». Devant la détresse et la souffrance des plus âgés, le cœur se fait ouvert et attentif, et s’engage bénévolement. « Le maintien du service de l’aide alimentaire représentait un défi important ». Il permet en outre de transmettre le sens du partage chez les plus jeunes générations de bénévoles.
Au cœur des mots, chronique que je rédige, présente la prise de conscience de Raphaël Buyse, un prêtre belge qui voit Autrement, Dieu. Notre image de Dieu, la relation avec notre Dieu, est mise durement à l’épreuve par les évènements et l’usure de la vie. J’ai trouvé là un récit pertinent dans notre contexte de crise où tout s’arrête, y inclus le culte et la manière de vivre sa foi. Où est-il ton dieu ? le psalmiste et les prophètes en ont fait l’expérience de voir leur image de Dieu se fracasser. « Le Dieu que je croyais connaître est devenu le Mystérieux, l’Inconnu, l’Insaisissable ». Et si cette expérience menait à sentir Dieu, présent au cœur de notre engagement humain ?
Nous espérons que la lecture de ce numéro vous ouvre une fenêtre sur l’horizon.
Bonne lecture !
et faites nous part de vos commentaires,
Gaston Sauvé,
membre du comité de rédaction