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TROIS, DEUX, UN… ACTION!

CHRISTIAN RODEMBOURG msa  Évêque de Saint-Hyacinthe

L’histoire se tient et s’accomplit. La rencontre de François et du Sultan à 8 siècles de différence éclaire le défi contemporain d’entrer en dialogue avec nos frères musulmans et d’avancer vers la paix universelle. C’est comme un film qui se déroule sous nos yeux.

« François est trop désarmé pour effrayer, trop faible pour inquiéter, trop petit, trop fragile pour attirer la foudre des puissants. Il a seulement en lui, la brûlure de l’Amour divin qui le pousse à donner sa vie, pour rendre cet amour contagieux. »
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MGR CLAVERIE, ÉVÊQUE D’ORAN

L’Histoire se répète parfois… Dieu merci! Elle nous donne alors la chance inespérée de passer du statut de spectatrices ou spectateurs passifs et impuissants à celui d’actrices ou d’acteurs d’un excellent film dans lequel on aurait aimé jouer. Je vous le partage d’emblée, j’emprunte ici quelques éléments au langage cinématographique pour mettre en parallèle deux évènements qui feraient d’excellents scénarios de films tant les personnages, les lieux, les actions sont concrètes et médiatiques : François chez le Sultan (Juin 1219) et François chez le Grand Iman (Février 2019).

 

À huit siècles pile de différence, les deux scénarios présentent des similitudes évidentes, à tel point que l’on pourrait légitimement penser que l’un est le remake de l’autre! Les noms des acteurs principaux, les lieux et les sujets des dialogues s’apparentent étrangement. Les scripts sont basés sur des faits réels. Les deux scènes de tournage sont abondamment éclairées par la lumineuse spiritualité franciscaine qui inonde à la fois les personnages et l’action. Les deux nous communiquent l’irrésistible envie de nous joindre à l’action et de faire partie prenante du scénario. Je soupçonne l’Esprit d’en être à la fois le metteur en scène et le réalisateur !

SAINT FRANÇOIS CHEZ LE SULTAN

Deux interprètes de ce théâtre sacré s’apprivoisent mutuellement : d’un côté, un saint chrétien sans arme et sans escorte; de l’autre, un puissant souverain musulman profondément religieux. Deux Traditions spirituelles et deux statuts complètement divergents ! En se rendant chez le sultan, François aurait espéré la grâce du martyre ou celle d’amorcer un mouvement de conversion à la personne et au message du Christ. Il n’aura obtenu ni l’une ni l’autre. Cette courageuse démarche de respect et d’amour pour l’ennemi juré n’aura toutefois pas été posée en vain.

 

L’œil de la caméra fixe ici de gros plans sur d’inespérées scènes d’accueil, de courtoisie, d’hospitalité, de respect mutuel et d’échanges qui désamorcent le climat relationnel et suffisent à établir une sereine reconnaissance mutuelle. Au-delà des différences, des dogmes et des rites, l’entente spirituelle est possible. Mgr. Claverie, évêque d’Oran, écrit au sujet de cette étonnante rencontre : « François est trop désarmé pour effrayer, trop faible pour inquiéter, trop petit, trop fragile pour attirer la foudre des puissants. Il a seulement en lui, la brûlure de l’Amour divin qui le pousse à donner sa vie, pour rendre cet amour contagieux ».

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Le Règne de Dieu n’avance pas que par la prédication ou la fondation d’institutions ; il avance aussi – et je dirais surtout ! – par le simple témoignage d’une ardente vie missionnaire vécue de façon exemplaire même en milieu neutre ou hostile. Plus près de nous, cette prophétique forme de témoignage a été adoptée par Charles de Foucauld et les moines de Tibhirine. Pour nous aujourd’hui, cette rencontre audacieuse entre François et le sultan est un puissant symbole du respect de l’autre, du dialogue interreligieux et de l’ouverture du cœur à la différence. Dans la société sécularisée qui est la nôtre, nous nous retrouvons aussi, à certains égards, dans une situation semblable.

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© Public Domain. La rencontre entre saint François et le sultan.

PAPE FRANÇOIS CHEZ LE GRAND IMAN

Huit siècles plus tard, une fois de plus, le charme franciscain opère. La petite voiture coréenne du pape François détonne dans le cortège. Il est le premier Pape à fouler le sol de cette région qui fut le berceau de l’islam. À l’écran, rien ne semble unir les deux hommes : l’un tout vêtu de blanc; l’autre, de noir. Les deux hommes de Dieu ont su transcender leurs différences pour se rencontrer dans leur humanité profonde. Les échanges fraternels et sincères entre le pape François et le grand Iman d’Al-Azhar ont donné lieu à une déclaration commune sur la fraternité humaine. Elle est disponible dans son intégralité sur le site Web du Vatican. Elle est un vibrant appel à la liberté de croyance et d’expression, à la protection des lieux de culte et prône une pleine citoyenneté pour les minorités discriminées.

 

« La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer » déclarent-ils, eux qui veulent redécouvrir et diffuser « les valeurs de paix, de justice, de bonté, de beauté, de fraternité humaine et de coexistence commune ». Conjointement, les deux chefs spirituels désirent « adopter la culture du dialogue comme chemin; la collaboration commune comme conduite ; la connaissance réciproque comme méthode et critère. » Ensemble, ils témoignent de « l’importance du réveil du sens religieux et de la nécessité de le raviver dans les cœurs des nouvelles générations ».

 

Les deux hommes de Dieu souhaitent inviter croyants et non-croyants à la réconciliation et à la fraternité. Ils invitent au rejet de la « violence aberrante et de l’extrémisme aveugle ». Ils désirent rendre témoignage à la grandeur de la foi en Dieu « qui unit les cœurs divisés ». En apprenant à nous connaître pour coopérer, nous pouvons « vivre comme des frères qui s’aiment ».

UN OSCAR ?

François chez le sultan (1219) et François chez le Grand Iman (2019) : le but de ces deux courts métrages est d’inviter à la paix universelle dont nous pourrions jouir en cette vie. Les deux films finissent bien. En fait, je crois plutôt qu’ils commencent bien avec vous et moi comme aspirants à l’Oscar des meilleurs acteurs de soutien dans une série où tout le monde devrait jouer. Quand commence-t-on ?  Au bruit du clap. Trois, deux, un… Action !

vol. 124, no 3 • décembre 2019

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