DE LA DÉMOCRATIE À LA SYNODALITÉ
Qu’est devenue aujourd’hui la démocratie ? Nous arrive-t-il de reproduire consciemment ou non ce type de fonctionnement dans nos milieux communautaires ? Comment sont prises les décisions qui concernent tout le groupe ?
La démocratie en Église est-elle le reflet de la démocratie en société ? Comment nos communautés chrétiennes, religieuses et franciscaines peuvent-elles échapper aux pièges de la démocratie ?
Voyons d’abord des faits qu’on retrouve chez trois « grandes puissances » comme nous avons l’habitude de les qualifier :
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Aux USA : Des dizaines de décrets signés rapidement par décision unilatérale du président des États-Unis afin d’éviter la discussion, la contestation et dans le but d’échapper à un éventuel vote négatif des autres élus.
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En Russie : Vladimir Poutine qui, après 4 mandats à la présidence de la Russie fait adopter par un prétendu référendum en 2020 « la non-limitation des mandats présidentiels dans le temps ». Ce qui lui permet de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2036.
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En Israël : Benjamin Netanyahou toujours en procès pour corruption et fraudes veut maintenant faire adopter par son gouvernement une loi qui lui permettrait de renverser une décision de la cour suprême.
Ces exemples publics nous amènent à nous poser certaines questions : Qu’est devenue aujourd’hui la démocratie ? Nous arrive-t-il de reproduire consciemment ou non ce type de fonctionnement dans nos milieux communautaires ? Comment sont prises les décisions qui concernent tout le groupe ?
Depuis quelques décennies, une nouvelle conscience ecclésiale s’est éveillée notamment par l’héritage du Concile Vatican II. De même, le souci pastoral du pape François a su réanimer cette dynamique tout en suscitant un passage significatif de la démocratie à la synodalité.
Allons puiser à la source de notre tradition franciscaine
CHEZ SAINTE CLAIRE D’ASSISE
La Forme de vie de Sainte Claire d’Assise nous offre des traces d’une manière différente de la prise des décisions qui concernent l’ensemble du groupe communautaire par exemple, l’admission de nouvelles recrues. Sainte Claire écrit dans sa Règle :
Si quelqu'une par inspiration divine venait à nous, voulant accepter cette vie, que l'abbesse soit tenue de requérir le consentement de toutes les sœurs; et si la majeure partie y consent, ayant obtenu la permission du seigneur cardinal notre protecteur, qu'elle puisse la recevoir. (2, 1-2)
Claire introduit une dimension importante qui semble rejoindre l’esprit synodal : requérir le consentement de toutes les sœurs. Toutes les sœurs peuvent donc se prononcer sur une question d’une telle importance. Cependant, l’expression «si la majeure partie y consent» semble ouvrir au respect de la différence des avis donnés. Toutes se prononcent mais toutes ne doivent pas obligatoirement être du même avis.
Un autre passage de la Forme de vie de sainte Claire portant sur la manière d’exercer l’autorité se rapproche nettement de l’esprit de synodalité. Nous lisons au chapitre 4 :
Une fois dans la semaine au moins, que l'abbesse soit tenue de convoquer ses sœurs au chapitre (v.15) ;
Et ce qui doit être traité pour l'utilité et l'honnêteté du monastère, qu'elle en confère là-même avec toutes ses sœurs souvent, en effet, le Seigneur révèle ce qui est meilleur à une plus jeune. (vv.17-18)
Dans les verset suivants, l’expression du commun consentement des sœurs revient à deux reprises (vv. 19 et 22). Par-dessus tout, l’objectif de cette recherche du commun consentement des sœurs est clairement mentionné au verset 22 : Pour conserver l'unité de l'amour mutuel et de la paix.
Il est donc significatif de faire un rapprochement de la pensée de sœur Claire avec les composantes de la démarche synodale telle que le pape François l’a proposée à l’Église entière :
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Marcher ensemble (convoquer ses sœurs, traiter pour l’utilité et l’honnêteté du monastère);
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S’écouter (souvent le Seigneur révèle ce qui est meilleur à une plus jeune);
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Communier (Conserver l’unité de l’amour mutuel et de la paix).
CHEZ FRANÇOIS D’ASSISE
Les écrits de saint François, bien qu’ils soient moins explicites sur ce sujet, semblent résumer en une seule expression l’esprit démocratique. Il s’agit de l’expression « tous les frères » que l’on retrouve 21 fois dans la première règle, 6 fois dans la deuxième et 3 fois dans son Testament. Utilisée dans des contextes différents, le plus souvent sous forme d’admonitions ou de recommandations, cette expression démontre l’intention du frère François de voir ses frères vivre dans l’harmonie, l’esprit d’humilité et la communion entre eux d’abord mais aussi avec tout le créé.
Nos saints fondateurs, François et Claire, imprégnés du désir de vivre l’évangile dans sa radicalité, se sont laissé inspirer par l’Esprit saint pour la mise en place d’un esprit fraternel visant à établir une plus grande communion. C’est ainsi qu’on peut associer ce que nous comprenons de leurs intentions à la démarche ecclésiale qu’aujourd’hui nous sommes invités à adopter.
Nous faisons le rapprochement entre la nouvelle pratique qu’ils ont voulu instaurer et les composantes de la démarche synodale :
D’abord, la consultation :
Tous les membres de la fraternité sont invités à exprimer leur opinion, même « la plus jeune » dit sainte Claire. Chacun et chacune prend part à la recherche commune en se disposant d’abord à écouter ce que l’Esprit saint a inspiré à l’autre.
Puis le discernement :
Avec l'aide de l'Esprit Saint, poser un regard sans jugement sur les défis que lance la réalité de ce monde, de l’Église et de notre groupe communautaire. Faire la relecture des événements à la lumière de la Parole de Dieu.
Enfin, la prise de décision en commun :
Le plus souvent le sentiment commun sera confié à la personne en autorité mais elle agira avec la conscience que le groupe entier a participé et a contribué à la recherche du bien commun.
La démarche synodale fait valoir les charismes et les dons de chaque membre du Corps du Christ, reconnu dans son unicité.
LA CONVERSATION SPIRITUELLE
Il est évident que la mise en œuvre d’une démarche synodale dans nos communautés religieuses et nos milieux de vie est un apprentissage de longue haleine. Toutefois, le dernier synode nous a laissé un précieux moyen de discernement qui peut enrichir notre vie communautaire : la conversation spirituelle.
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Écouter dans le silence ce que m’inspire l’Esprit saint;
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Écouter, sans discussion, ce que ce même Esprit inspire à l’autre;
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Relever dans ce qui a été dit, une parole qui fait sens pour moi;
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Prendre une décision commune.
Une méthode simple mais si riche pour la croissance de notre vie communautaire à la recherche d’un accomplissement heureux de la volonté de Dieu.