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LES FRAGILITÉS DE LA DÉMOCRATIE

Pour développer une opinion, nous devons être bien informés. Mais qu’en est-il dans une société ou les algorithmes répandent alégrement la désinformation et les fausses nouvelles, et se servent de celles-ci pour exercer un contrôle sur l’opinion publique ?

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Depuis quelque temps, il se passe rarement une journée sans que la démocratie ne soit évoquée d’une manière ou d’une autre dans le journal. Mais d’abord, qu’entendons-nous par le mot « démocratie » ? Suivant l’interlocuteur, le mot « démocratie » peut être rattaché à différents concepts. Pour certaines personnes, le mot « démocratie » évoque un système parlementaire où les dirigeants sont élus. Pour d’autres, la «démocratie» évoque un fonctionnement selon lequel les personnes concernées participent aux prises de décisions. Ou encore, lorsque ma grand-mère disait, « on est en démocratie après tout! », c’était pour elle une façon de rappeler aux autres qu’elle avait le droit de ne pas être d’accord et de le dire !

Plus sérieusement, le mot « démocratie » vient du Grec : dêmos pour « peuple » et kratos pour « pouvoir ». Il s’agit donc d’un système qui donne le « pouvoir au peuple, rien de moins! En fait, la notion de démocratie est liée à l’État de droit. La reconnaissance que tous les êtres humains sont libres et égaux en droits, constitue l’assise d’une société démocratique, du moins en théorie… C’est à partir de cette compréhension que je vais aborder la question des fragilités de la démocratie ou des dangers qui la menacent actuellement.

Nous assistons depuis quelques temps à une montée fulgurante des atteintes à la liberté d’opinion aux États-Unis et on voit le début d’une telle tendance se développer ici aussi. Lorsque suite à une plainte pour un contenu de cours supposément propalestinien, des professeur-e-s d’un Cegep montréalais font l’objet d’une enquête de la Ministre et se voit intimés de retirer une œuvre littéraire de la liste de lectures, on assiste à une atteinte évidente à la liberté académique et, par extension, à la liberté d’opinion. Lorsque des grands médias acceptent de censurer le mot « génocide » malgré le fait que celui-ci soit utilisé par des expertes et des experts de renommée internationale, ils portent sérieusement atteinte à la liberté d’expression.

L’ÉLÉPHANT DANS LA PIÈCE : LA MANIPULATION DE L’OPINION PUBLIC

Il y a un changement majeur au niveau économique et social qui s’opère dans nos sociétés depuis quelques décennies et qui passe largement sous le radar – la nouvelle économie des données. En effet, depuis le début du siècle, nous avons vu l’essor d’une nouvelle étape du développement du capitalisme, le capitalisme de surveillance ou le capitalisme algorithmique. Nous avons assisté à l’introduction de nouvelles technologies développées par des entreprises privées, à vitesse grand V et en l’absence de toute balise règlementaire. Comme le souligne Dominique Peschard, ex-président de la Ligue des droits et libertés, « L’essor débridé de ce nouveau capitalisme bouleverse les rapports sociaux sur tous les plans et représente une menace pour les libertés et la démocratie en plus d’avoir des répercussions majeures sur de nombreux droits humains… »[1]. Mais comment expliquer ça ?

Au fil des années, les petites entreprises des technologies de l’information ont rapidement compris qu’en naviguant sur le web, les internautes laissaient derrière eux des tas de données - des données d’identification personnelle bien sûr, mais aussi toutes sortes de données qui révélaient leurs intérêts, leurs goûts, leurs choix, voire même leurs humeurs, leurs personnalités et leurs allégeances politiques. Notons que le fait que ces entreprises aient eu accès à ces données sans consentement et qu’ils les vendent à d’autres porte atteinte au droit à la vie privée, un droit reconnu dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948. C’est un droit essentiel à la jouissance de nos libertés – la liberté d’opinion, d’expression et d’action. C’est-à-dire, le droit d’agir, de penser, de parler sans que nos pensées, nos paroles ou nos actes soient connus des autorités. C’est important pour la liberté d’expression car une personne que se sait surveillée va être portée à s’autocensurer.

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DÉSINFORMATION ET FAUSSES NOUVELLES

Néanmoins, lorsque ces entreprises se sont aperçues que chaque clic à l’écran leur procurait des données qui valent de l’or et qu’il y avait là une manne d’argent à faire, ils ont choisi de mettre en ligne les nouvelles les plus sensationnalistes, sans égard à leur véracité ou leur exactitude, dans le but d’inciter les internautes à « cliquer » et à produire toujours plus de données. De plus, pour s’assurer de l’engagement des internautes, ils ont mis en œuvre des stratagèmes pour développer une dépendance à l’écran, et malheureusement, ils ont largement réussi! Ainsi, ces entreprises maintenant gigantesques, qu’on désigne comme les GAFAM[2] - qui ont généré ensemble 1 562 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit l'équivalent d'environ la moitié du PIB de la France - ont ouvert des possibilités sans précédent de surveillance, de contrôle et de manipulation des populations.

Dans une chronique intitulée « le Risque de désinformation »[3], Pierre Trudel sonne alerte : « Les capacités des plateformes en ligne de générer et de répandre des faussetés mettent les processus démocratiques en danger ».

Pour illustrer ces propos, regardons l’utilisation des données qui a été faite par Cambridge Analytica et l’impact que cela a pu avoir sur le droit à l’information et la démocratie. Jusqu’en 2014, Facebook donnait, à tous les développeurs d’applications, accès aux données de toutes les personnes amies des utilisatrices et utilisateurs de la plateforme. Avec ces données, Cambridge Analytica a pu cibler les électeurs et électrices qui avaient un penchant pour Donald Trump et les bombarder de messages fournissant plus de raisons pour voter pour lui. De manière similaire, lorsque des électeurs montraient un intérêt pour Hillary Clinton, ils les bombardaient de fausses nouvelles pour ternir l’image de Hillary Clinton et les décourager de voter en sa faveur.

Pour développer une opinion, nous devons être bien informés. Mais qu’en est-il dans une société ou les algorithmes répandent alégrement la désinformation et les fausses nouvelles, et se servent de celles-ci pour exercer un contrôle sur l’opinion publique ? Le problème n’est pas intrinsèque aux plateformes numériques. Il découle du fait que ces plateformes ont été développées par des intérêts privés dans le seul bût d’en tirer d’énormes profits, et ceci sans aucun intérêt pour le bien commun. Il est essentiel de prendre le contrôle de ces vastes entreprises pour mettre le numérique au service du commun. Investir là où cela va profiter au bien commun et à l’ensemble de la société et non renflouer les poches de milliardaires qui rêvent de faire des voyages extra-terrestres !

À chaque fois que des personnes sont bâillonnées pour leurs idées, pénalisées pour leur positions politiques, interdites de certains lieux pour leurs croyances religieuses, c’est un coup porté aux droits démocratiques. Mais il y a plus. Depuis une quarantaine d’années, le néolibéralisme a mis à mal les systèmes dits démocratiques en mettant en place des politiques qui profitaient aux ultra-riches tout en appauvrissant les classes moyennes et les plus démunis. On a alors assisté à une augmentation faramineuse des inégalités sociales. Warren Buffett, milliardaire et Directeur général de Berkshire Hathaway, dénonçait la baisse d’impôts impartie aux ultra-riches, donnant en exemple le fait que son taux d’imposition était plus bas que celui de sa femme de ménage !

CONCLUSION

N’oublions jamais que la justice sociale est essentielle à tout régime démocratique, ainsi que la reconnaissance que tous les êtres humains sont libres et égaux en droits. Lorsque ceci n’est pas le cas, l’accroissement des inégalités, la prévalence des injustices et les problèmes sociaux qui s’ensuivent (ex. pénurie de logements, limitation de l’accès aux services de santé, détérioration du réseau d’écoles publiques, augmentation des problèmes de santé mentale) ouvriront presque inexorablement la porte à la montée des mouvements d’extrême-droite. C’est actuellement la principale menace qui plane sur la démocratie.

NOTES

[1] Dominique Peschard, « Capitalisme de surveillance, Intelligence artificiel et droits humains », Nouveau Cahiers du socialisme, no. 31, page 108.

[2] GAFAM, acronym pour Google, Apple, Facebook (now Meta), Amazon et Microsoft.

[3] Pierre Trudel, « Le Risque de désinformati », Le Devoir, 3 septembre 2024

vol. 130, no 2 • Juin 2025

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