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SI NOUS PARLIONS GIEC...

BERTRAND BLANCHET

Nous avons tous entendu parler du GIEC. Mais, à ma connaissance, peu de personnes  pourraient dire précisément ce qu’il est et ce qu’il fait. Il n’est donc pas superflu d’y consacrer quelques lignes… en ligne.

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Qu’est-ce que le GIEC?  Que fait-il exactement?   L’auteur nous permet de répondre à ces questions et nous livre les conclusions actuelles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. La COP26 de Glasgow en novembre portera-elle du fruit ?
NATURE ET FONCTIONNEMENT DU GIEC

Le GIEC est un Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat : un organisme international chargé d’analyser scientifiquement les changements climatiques. Il a été établi en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement ((PNUE). Son but est de fournir aux responsables politiques des évaluations périodiques sur les changements climatiques, leurs incidences et de leur présenter des stratégies d’adaptation et d’atténuation (Wikipédia).

 

Les informations fournies par le GIEC aident les décideurs à définir des orientations sans pour autant préconiser des choix précis. Mais le caractère scientifique de ces informations rigoureuses leur est précieux.

 

Tous les pays membres de l’OMM et de l’ONU peuvent participer aux travaux du GIEC, qui compte aujourd’hui 195 membres. Il se réunit en session plénière pour prendre des orientations et des décisions.

 

Les rapports de cet organisme sont établis par des centaines d’experts éminents, soit en tant qu’auteurs coordonnateurs, soit en tant qu’auteurs collaborateurs. D’autres experts sont examinateurs. Enfin, des éditeurs réviseurs constituent un mécanisme de contrôle bien rodé. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le GIEC n’effectue pas lui-même de recherches scientifiques mais il utilise celles que la communauté scientifique a déjà effectuées.

 

Il y a trois groupes de travail :

  • Groupe de travail 1, sur les bases scientifiques physiques

  • Groupe de travail 2, sur les conséquences, l’adaptation et la vulnérabilité

  • Groupe de travail 3 sur l’atténuation du changement climatique.

Une Équipe spéciale est chargée des inventaires nationaux de gaz  à effet de serre. Une autre équipe spéciale s’occupe des données et des scénarios pour l’analyse du climat et de ses incidences.

 

Chaque Groupe de travail produit son rapport auquel s’ajoute un rapport synthèse. Ils sont produits à des intervalles de 5 à 8 ans. Cinq rapports ont déjà été publiés : en 1990, 1995, 2001, 2007 et 2013/2014.

  • Un rapport a été publié en août 2021. C’est celui dont la rédaction a débuté en 2017/2018 et qu’a rédigé le Groupe de travail 1.

  • Les rapports des deux autres Groupes de travail et le rapport synthèse seront publiés en 2022.

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LE RAPPORT SYNTHÈSE DE 2014

Le dernier rapport synthèse dont nous disposons est donc celui de 2014. En voici les conclusions dans des énoncés à l’intention des décideurs.

 

  • Le réchauffement. Le réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent depuis des décennies voire des millénaires. L’atmosphère et l’océan se sont réchauffés, la couverture de neige et de glace a diminué, le niveau des mers s’est élevé et les concentrations des gaz à effet de serre ont augmenté.

  • L’atmosphère. Chacune des trois dernières décennies a été successivement plus chaude à la surface de la Terre que toutes les décennies précédentes depuis 1850. Les années 1983 à 2012 constituent probablement la période de 30 ans la plus chaude qu’ait connue l’hémisphère Nord depuis 1 400 ans (degré de confiance moyen).

  • L’océan. Le réchauffement océanique constitue l’essentiel de l’augmentation de la quantité d’énergie emmagasinée au sein du système climatique et représente plus de 90 % de l’énergie accumulée entre 1971 et 2010 (degré de confiance élevé). Il est quasiment certain que l’océan superficiel (jusqu’à 700 m de profondeur) s’est réchauffé entre 1971 et 2010, et ce dernier s’est probablement réchauffé entre les années 1870 et 1971.

  • La cryosphère. Au cours des deux dernières décennies, la masse des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique a diminué, les glaciers de presque toutes les régions du globe ont continué à se réduire et l’étendue de la banquise arctique et celle du manteau neigeux de l’hémisphère Nord au printemps ont continué à diminuer (degré de confiance élevé).

  • Le niveau des mers. Depuis le milieu du XIXe siècle, le rythme d’élévation du niveau moyen des mers est supérieur au rythme moyen des deux derniers millénaires (degré de confiance élevé). Entre 1901 et 2010, le niveau moyen des mers à l’échelle du globe s’est élevé de 0,19 m [de 0,17 à 0,21 m].

  • Le cycle du carbone et autres cycles biologiques. Les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et de protoxyde d’azote ont augmenté pour atteindre des niveaux sans précédent depuis au moins 800 000 ans. La concentration du dioxyde de carbone a augmenté de 40 % depuis l’époque préindustrielle. Cette augmentation s’explique en premier lieu par l’utilisation de combustibles fossiles et en second lieu par le bilan des émissions dues aux changements d’utilisation des sols. L’océan a absorbé environ 30 % des émissions anthropiques de dioxyde de carbone, ce qui a entraîné une acidification de ses eaux.

  • Facteurs du changement climatique. Le forçage radiatif total est positif (la Terre garde plus d’énergie qu’elle n’en reçoit) et a conduit à une absorption nette d’énergie par le système climatique. La plus grande contribution à ce forçage radiatif provient de l’augmentation de la teneur de l’atmosphère en CO2 depuis 1750.

  • Compréhension du système climatique et de ses changements récents. L’influence de l’homme sur le système climatique est clairement établie, et ce, sur la base des données concernant l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, le forçage radiatif positif, le réchauffement observé et la compréhension du système climatique.

  • Évaluation des modèles climatiques. Depuis la publication du quatrième Rapport d’évaluation, les modèles climatiques ont progressé. Les modèles reproduisent les structures spatiales et tendances de température en surface observées à l’échelle des continents sur de nombreuses décennies, y compris le réchauffement relativement rapide observé depuis le milieu du XXe siècle (…) (degré de confiance très élevé).

  • Quantification des réponses du système climatique. Effectuées à partir d’observations et de modèles, les études des changements de température, des rétroactions climatiques et des changements que subit le bilan énergétique de la Terre apportent des éléments fiables concernant l’amplitude du réchauffement de la planète en réponse au forçage passé et futur.

  • Détection et attribution des changements climatiques. On détecte l’influence des activités humaines dans le réchauffement de l’atmosphère et de l’océan, dans les changements du cycle global de l’eau, dans le recul des neiges et des glaces, dans l’élévation du niveau moyen mondial des mers et dans la modification de certains extrêmes climatiques. On a gagné en certitude à ce sujet depuis le quatrième Rapport d’évaluation. Il est extrêmement probable que l’influence de l’homme est la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle.

  • Changements climatiques mondiaux. De nouvelles émissions de gaz à effet de serre impliqueront une poursuite du réchauffement et des changements affectant toutes les composantes du système climatique. Pour limiter le changement climatique, il faudra réduire notablement et durablement les émissions de gaz à effet de serre. .

  • L’atmosphère : température. À la fin du XXIe siècle, l’augmentation de la température à la surface du globe sera probablement supérieure à 1,5 °C par rapport à l’époque allant de 1850 à 1900, pour tous les (rapports sauf un). Il est probable qu’elle dépassera 2 °C selon (deux rapports) et il est plus probable qu’improbable qu’elle dépassera 2 °C selon (un rapport). Dans tous les (rapports)  envisagés à l’exception (d’un), le réchauffement se poursuivra après 2100. Il continuera à présenter une variabilité interannuelle à décennale et ne sera pas uniforme d’une région à l’autre.

  • L’atmosphère : cycle de l’eau. Les changements concernant le cycle mondial de l’eau en réponse au réchauffement au cours du XXIe siècle ne seront pas uniformes. Le contraste des précipitations entre régions humides et régions sèches ainsi qu’entre saisons humides et saisons sèches augmentera, bien qu’il puisse exister des exceptions régionales.

  • L’atmosphère : l’océan. À l’échelle mondiale, l’océan continuera à se réchauffer au cours du XXIe siècle. De la chaleur sera absorbée à la surface et pénètrera jusqu’à l’océan profond, perturbant la circulation océanique.

  • La cryosphère. Il est très probable qu’au cours du XXIe siècle, l’étendue et l’épaisseur de la banquise arctique continueront à diminuer, de même que l’étendue du manteau neigeux de l’hémisphère Nord au printemps, au fur et à mesure de l’augmentation de la température moyenne à la surface du globe. À l’échelle mondiale, les glaciers continueront de perdre de leur volume.

  • Le niveau des mers. Le niveau moyen mondial des mers continuera à s’élever au cours du XXIe siècle. Selon tous les (rapports), il est très probable que cette élévation se produira à un rythme plus rapide que celui observé entre 1971 et 2010, en raison du réchauffement accru de l’océan et de l’augmentation de perte de masse des glaciers et des calottes glaciaires.

  • Le cycle du carbone et autres cycles biogéochimiques. Le changement climatique affectera les processus liés au cycle du carbone d’une manière qui amplifiera l’accroissement du CO2 atmosphérique (degré de confiance élevé). Le phénomène d’acidification de l’océan augmentera, puisque celui-ci continuera de piéger du carbone.

  • Stabilisation du climat, inertie du changement climatique et irréversibilité. Le cumul des émissions de CO2 détermine dans une large mesure la moyenne mondiale du réchauffement en surface vers la fin du XXIe siècle et au-delà. La plupart des caractéristiques du changement climatique persisteront pendant de nombreux siècles même si les émissions de CO2 sont arrêtées. L’inertie du changement climatique est considérable, de l’ordre de plusieurs siècles, et elle est due aux émissions de CO2 passées, actuelles et futures. 

LES DÉCIDEURS

Le GIEC présente des informations mais n’est pas un organisme de décision. Les pays membres se réunissent pour y procéder. La dernière fois qu’ils l’ont fait, c’était à Paris, lors de la COP 21 en décembre 2015. COP signifie Conference of parties, les parties étant les 196 pays membres plus l’Union européenne. Cette rencontre a donné lieu à L’Accord de Paris, qui est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Pour la première fois, un accord contraignant a rallié tous les pays à une cause commune.

 

L’objectif de la Conférence était de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2 degrés Celsius, de préférence 1,5 par rapport u niveau préindustriel. Pour concrétiser cet objectif de température à long terme, les pays visent à atteindre le plus rapidement possible le pic mondial des émissions de gaz à effet de serre afin de parvenir à un monde climatiquement neutre d’ici le milieu du siècle.

 

Les pays devaient soumettre leurs plans d’action climatique, appelés contributions nationales déterminées (NDC). Ils devaient identifier les mesures qu’ils prendraient pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces mesures consistent en des stratégies de développement à long  terme pour de faibles émissions de gaz à effet de serre

 

L’Accord de Paris fournit aussi un cadre pour le soutien financier, technique et de renforcement pour les pays qui en ont besoin. Il réaffirme que les pays développés doivent prendre l’initiative d’aider financièrement les pays moins pourvus et plus vulnérables. Il propose une  vision de développement et de transfert technologique pour améliorer la résilience au changement climatique et réduire les émissions de GES.

 

Avec l’Accord de Paris, les pays ont établi un cadre de transparence les invitant à rendre compte des mesures prises et des progrès réalisés dans l’atténuation du changement climatique.

 

Quels sont les résultats atteints jusqu’à présent ? L’ONU a comptabilisé les engagements de réduction des émissions des pays signataires de l’Accord de Paris (les CDN). Au total, 113 des 191 pays signataires, qui représentent 49% des émissions mondiales ont soumis leurs engagements. Ces données révèlent que le réchauffement devrait atteindre au moins 2,7 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. Elles révèlent également qu’elles pointent plutôt vers une augmentation considérable de 16% de GES en 2030 par rapport à 2010. Alors que, pour le GIEC, ces émissions mondiales devraient reculer d’au moins 45% d’ici 2030, par rapport à celles de 2020 pour espérer limiter le réchauffement à 1,5 degré Celsius par rapport à l’ère préindustrielle.

 

Pour sa part, le Canada s’est engagé à limiter ses émissions de gaz à effet de serre à 1.5 degré Celsius d’ici 2030. Mais il semble très improbable qu’il puisse atteindre cet objectif.

ET MAINTENANT…

La prochaine conférence des parties (COP 26) se tiendra à Glasgow, en Écosse, en novembre. L’Accord de Paris s’était basé sur le rapport synthèse de 2014. Depuis, en août 2021, le rapport du Groupe de travail 1 sur les bases scientifiques physiques a été publié. Il comporte 3949 pages et constitue une synthèse d’environ 14 000 publications scientifiques.

 

Dans ce rapport, le GIEC décrit l’évolution des températures selon 5 scénarios. Dans quatre d’entre eux, nous dépasserons le seuil de réchauffement mondial de + 1,5 degrés Celsius dans un avenir proche (entre 2021 et 2040). Le cinquième scénario, le plus optimiste, prévoit que nous atteindrons la hausse de 1,5 degrés Celsius dans les années 2030, suivie d’un sommet à +1,6 avant de redescendre à +1,4 degré Celsius à la fin du siècle.

 

Pour une première fois, le GIEC n’exclut pas l’apparition « d’un point de bascule » comme la fonte de la calotte glaciaire de l’Antartique ou la mort de forêts, qui entraîneraient le système climatique vers un changement dramatique et irrémédiable.

 

Des experts comme François Delorme (Le Devoir, 26 et 27 septembre 2021) en concluent que nous ne sommes plus en mode d’atténuation; il faut agir sur deux leviers : sortir des énergies fossiles, sortir de la croissance et assigner la responsabilité de la transition, suivant les pays. La COP26 de Glasgow en novembre aurait le rôle de dégager un double consensus sur une taxation mondiale du carbone et une répartition des responsabilités des émissions.   

vol. 126, no 3 • Octobre 2021

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