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QUÊTE OU PERTE DE SENS ?

POÉSIE DU REGARD

Quête ou perte de sens ? La question est posée. Avant d’y répondre, il me faudrait vous définir ce que j’entends par sens. Vous aurez compris que je ne privilégie pas la recherche des sens, d’un point de vue physiologique, mais bien celle d’une direction spirituelle à prendre dans sa vie.
Le souffle de Dieu est plus que jamais présent. Il suffit d’être attentif, à l’écoute du sens des choses et des êtres qu’Il nous invite à découvrir ensemble, sans heurts et dans la fraternité.
UNE SPIRITUALITÉ EN FRAGMENT

Avec l’abandon de la pratique religieuse au sens fort du terme, telle que mes grands-parents la concevaient, il ne reste aujourd’hui plus rien de cette époque si ce n’est quelques fragments épars d’une spiritualité à bon marché négociée avec les marchands de fleurs et de chocolat. Ce rejet systématique du religieux issu de la Révolution tranquille a poussé une majorité de citoyens loin des valeurs spirituelles institutionnelles devenues avec le temps obsolètes ou inadaptées aux réalités modernes. Mais beaucoup de ces gens ont tout de même résisté à la grande purge, préservant au fond d’eux-mêmes, certaines valeurs qu’ils jugeaient essentielles ; un sens des valeurs désormais à redéfinir en dehors du magistère, de l’Église officielle. Pour ces personnes, il s’agira d’une nouvelle quête de sens à entreprendre. Cependant, pour les blessés du champ de bataille, les écorchés de la religion tranquille, il y aura hélas, perte de sens, déchirure avec les valeurs de leur enfance, autour de laquelle vont se greffer de nouveaux faiseurs de miracles et autres prophètes de pacotilles.

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Alors que certains ont délaissé un héritage maintenant rendu indigeste, fermant la porte à toute intrusion du religieux dans leurs vies, d’autres, animés d’espérance aimeraient l’ouvrir autrement. Il règne donc un permanent va-et-vient autour de la question : quête ou perte de sens ? N’oublions pas comme l’affirmait Aristote que « la nature a horreur du vide ». La société de consommation avec sa dérive identitaire et la vacuité de ses actions a rapidement occupé cet espace d’expression laissé en plan par la société laïque.

« L’HEUREUX NAUFRAGE »

Pour celui, celle dont la soif de spiritualité ne s’est point tarie, l’offre ou les promesses sont abondantes. Comment s’y retrouver? La question n’est pas simple et le risque de dérapage est constant. Le réalisateur Guillaume Tremblay dans son documentaire : L’Heureux naufrage, tente de répondre à sa manière à cette quête de sens, en interrogeant des personnalités publiques sur la dimension spirituelle de leur vie. Il est clair que depuis la grande fracture des années 1960, les pratiques religieuses ont changé et notre regard envers l’église aussi. Notre rapport au sacré ne se définit plus de manière unilatérale et dans un espace social limité. Nous sommes invités à rencontrer nos frères et sœurs les humains sur tous les chemins de la Terre. Cette ouverture initiée jadis par Vatican II a induit à une plus grande liberté intellectuelle et spirituelle et ce mouvement en 2015 est toujours en marche. Et le Pape François nous permet d’aller encore plus loin sur ce chemin de l’humilité et de la quête de sens. Son exemple est pour moi une direction à prendre. Mais, tous ne sont pas prêts à embrasser le christianisme et je peux comprendre cela. Lui-même se décline en une multitude d’appels que nous lancent les prêtres et pasteurs de ce monde afin de nous convaincre de joindre leurs rangs. Jésus est notre guide à tous certes, mais nous n’allons pas nécessairement dans la même direction, avec la même fougue, les mêmes références et le même appel. Et pourtant, cette foi en ce Jésus est centrale.

UN ÊTRE SPIRITUEL DANS SON ESSENCE

Mais, qu’en est-il de mes amis agnostiques ou athées? Comment se traduit pour eux et elles leur quête de sens ? Est-elle simplement morale ou se manifeste-t-elle par un ensemble de valeurs éthiques ou humaines dont ils se sont dotées ? Je pourrais aussi évacuer de mon existence toute référence au sacré, tout rapport à la transcendance, toute relation à la dimension spirituelle de mon être et …pourquoi pas ! Plusieurs vivent ainsi sans se soucier de la couleur de leur âme ou même s’ils en ont une. Je ne pourrais pas vivre comme ça. Au contraire, je crois profondément que l’être humain est dans son essence un être spirituel, quel qu’il soit. J’aime à penser qu’il a les dispositions intérieures nécessaires pour approfondir sa relation au sacré. Cette part intime, inaltérable, est inscrite au plus profond de son être comme une lanterne, un témoin dont la flamme ne s’éteint jamais. Nous sommes nés pour l’éternité, affirmait Carlo Carretto. Nous sommes des êtres créateurs de vie et notre Créateur n’en est pas moins différent. Ne sommes-nous pas à son image ? Ma quête de sens, comme celle de tant d’autres s’exprime là où le cœur humain est vivant.

CHEMINS SPIRITUELS MULTIPLES

Ma quête de sens prend sa force dans ce Jésus de Galilée, car il incarne cette force relationnelle dont l’étendue outrepasse les limites du monde connu. Ce sont les aspects relationnels de la foi chrétienne dont l’amour est la quintessence, qui m’interpellent si puissamment. Mais elle n’est pas la seule voie. Cette quête de sens utilise d’autres chemins pour éveiller notre attention et nous faire entrer dans son mystère comme croire aux anges par exemple; pour certains la réincarnation est une avenue fascinante ; pour d’autres, le tarot, les dimensions extrasensorielles, l’occultisme, l’astrologie, la métaphysique, la philosophie, l’art, la foi en Mahomet, Bouddha, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, les maîtres spirituels de l’hindouisme, du taoïsme, le confucianisme, les dieux et déesses de la terre, de l’eau et du soleil… Tout cela apporte sens, vérité et profondeur à leur vie et pourquoi pas. Nos frères et sœurs des Premières Nations d’Amérique aussi ont entretenu avec leur environnement un lien de respect, se comptant à part entière parmi les étoiles du ciel ou à travers la mouvance du vent. Certaines personnes vouent une admiration pour les pierres, les montages, le ciel, les déserts et la mer, car en eux, ils y voient une connexion puissante avec leur vie intérieure, une force à laquelle ils souhaitent être rattachée et… pourquoi pas. Le culte des ancêtres au Japon et en Chine est source de fierté pour ces personnes, car elles se situent dans une continuité historique forte et signifiante au plan familial et communautaire. Les férus de généalogie aussi espèrent retrouver le chemin de leurs aïeux et s’inscrire dans cette voie de la connaissance de soi. Car, nous ne sommes jamais seuls. Les hommes et femmes d’aujourd’hui sont tributaires des choix et décisions du passé. Eux-mêmes portent dès à présent la responsabilité du sens qu’aura la vie demain et leurs enfants imagineront la structure des sociétés au siècle suivant…

DES VOIES CONVERGENTES

Telle est l’évolution de notre monde. Nous sommes inextricablement liés au même destin planétaire et nous portons en nos cœurs les mêmes aspirations humaines : vivre dignement, connaître le bonheur, voir nos enfants grandir dans la paix. L’astrophysique, la cosmologie tentent de répondre aux questions fondamentales associées à la formation de l’univers, les scientifiques et mathématiciens avancent l’idée d’un ordre préétabli, l’exégèse biblique veut saisir le sens et la portée des Écritures saintes sous le regard aiguisé de l’anthropologie, l’archéologie, la psychanalyse, l’histoire, la théologie et la sociologie. L’homme s’interroge. De quoi est fait son univers, quelle place occupe-t-t-il au centre de celui-ci créé il y a des milliards d’années. Et l’homme en fait ne sait pas. Du moins, il en sait si peu. Il y a pourtant des réponses. Le christianisme avance les siennes, mais il n’est pas le seul et c’est une bonne nouvelle. Il n’y a pas qu’un seul chemin pour accéder au sommet de la connaissance de soi et celle de l’univers. Les vérités sont multiples. Les sages, les poètes et écrivains ajoutent au concert des nations et de la pensée, leurs voies propres distillant sur le papier ou la partition la fleur de sel trouvée au désert ; les ermites de ce monde se sont retirés du regard exigeant de la société pour écouter ce monde respirer et lui offrir leurs présences humbles, lui indiquer un chemin intérieur dont il ignore encore la valeur. Le souffle de Dieu est plus que jamais présent. Il suffit d’être attentif, à l’écoute du sens des choses et des êtres qu’Il nous invite à découvrir ensemble, sans heurts et dans la fraternité. Nous sommes passés de l’inaccessible étoile au regard aimant de Jésus dans nos vies.

vol. 120, no 2 • 15 avril 2015

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