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DÉVELOPPEMENT MINIER NE VEUT PAS DIRE CRÉATION DE RICHESSE,

RESPECT DES DROITS DE LA PERSONNE ET DE L'ENVIRONNEMENT

NICOLE KIROUAC

LAUDATO SÌ, LOUÉ SOIS-TU !

L'expérience de la mine Malartic apparait comme une illustration parfaite de cette atteinte à l'intégrité de l'environnement et de la qualité de vie des communautés humaines. Renée Ntagungira a recueilli les notes précieuses d'une observatrice de premier plan, Adriana Eslava ; elle a suivi les interventions de l'avocate Nicole Kirouac ; elle nous rend un texte convainquantt, capable d'ouvrir nos esprits et nos coeurs devant l'inacceptable.
Voici le récit de l'expérience en cours de Nicole Kirouac alors que la minière Osisko implante sa mine à Malartic, en pleine ville et à ciel ouvert.
Elle est fille d’un père mineur, native de Malartic. Cofondatrice de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine (www.quebecmeilleuremine.org). Avocate et personne-ressource pour différents comités citoyens de Malartic.

Malartic était en 2007 une ville dortoir ; il n’y avait pas à l’époque une économie dynamique et prospère. La ville a eu par le passé, 6 mines d’or souterraines en opération. 


L'implantation de la mine à ciel ouvert Canadian Malartic comporte plusieurs dates clés:

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  • 2005 : Les premiers trous de forage d'exploration sont effectués.

  • 2007 : La Minière Osisko convoque les citoyens, dans l’église de Malartic, pour présenter son projet minier.

  • 2007 : Le comité de vigilance de Malartic est créé. 

  • 2007 - 2010 : La minière incite les habitants de la ville ancienne, à déménager ou à vendre leurs maisons. 

  • 2009: La minière reçoit les autorisations et les permis du Gouvernement du Québec.

Le Comité de vigilance de Malartic a vu le jour à l'été 2007, suite à une rencontre de citoyens malarticois inquiets, intéressés et touchés par le plus grand projet de mine à ciel ouvert au Canada, de la Compagnie Osisko à Malartic.

Les objectifs de départ du comité sont simples : a) avoir de l'information objective et transparente sur le projet minier et ses conséquences ; b) connaître les droits des citoyens touchés ; c) obtenir de l'aide et du soutien face à la Cie Osisko.

Une fois la minière en exploitation, et à l'expérience, d'autres objectifs se précisent : d) maintenir une vigilance face au projet en exploitation, e) assurer un suivi des revendications des citoyens ; f) agir comme chien de garde du comité de suivi mis sur pied par la Cie Osisko ; g) travailler à la modification de la Loi sur les mines qui s’est révélée pour ces citoyens totalement inacceptable en ce qui concerne le respect des droits des individus et des collectivités et du respect de l’environnement.

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Le CVM se compose alors d'un groupe de 30 individus et familles affectés directement par le projet. Par ailleurs, les membres collaborent de façon ponctuelle auprès de dizaines d'autres citoyens de Malartic qui se sont organisés face à des problèmes engendrés par le projet minier d'Osisko ; ils collaborent également auprès d'organismes régionaux et provinciaux concernés ou intéressés par le projet Canadian Malartic ou le dossier minier.

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Le Comité de vigilance de Malartic se mobilise activement depuis 2007 pour faire connaitre les problématiques liées aux opérations journalières de la plus grosse mine à ciel ouvert au Canada, la Canadian Malartic ( ex-Osisko) : le bruit, la poussière, les vibrations, les problèmes de santé, l’absence d’une zone tampon, etc.

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À cet effet, Me Kirouac nous rappelle que la minière a fait changer à plusieurs reprises, par le Conseil des ministres, le décret initial afin de faire augmenter, entre autre, les normes sur les décibels en vigueur car la Cie n’arrivait pas à les respecter. Les normes sont donc passées de 45 dBA le jour et 40 dBA la nuit à 55dBA le jour et 50dBA la nuit .On n’a jamais mesuré les impacts de ce changement sur les citoyens de Malartic avant d’autoriser un tel changement. Le tonnage quotidien qui devait être, au moment du BAPE, de 120.000 tonnes par jour, dans les faits les citoyens ont de fréquents sautages de 300,000. En 2012, les citoyens ont connu un sautage de 940,000 tonnes. 
Pour la minière , il faut sortir l’or rapidement dit Me Kirouac.

En août 2009, dès l’adoption du décret du Conseil des ministres autorisant le projet minier, alors que la minière érige sa butte écran, des problèmes majeurs surviennent : poussière, bruit incessant etc. Alors que le BAPE n’avait nullement prévu ces impacts, les citoyens s’organisent et réclament à la minière d’être achetés ou déménagés car leur vie est devenue invivable. La minière ne veut pas acheter de nouvelles maisons. Rien n’est prévu dans la Loi sur les mines pour ces citoyens si ce n’est un recours civil devant les tribunaux. Solution impensable tant pour les coûts engendrés que pour les délais. 


Le Regroupement des citoyens du quartier sud de Malartic voit alors le jour pour amorcer une lutte longue et ardue avec la minière Osisko. Les personnes affectées, avec l’aide de Me Kirouac, se sont fortement mobilisées. Sous la pression des citoyens, d’actionnaires éthiquement sensibilisés et de l’opinion publique, la minière a fini par demander un dézonage et accepter d’acheter 44 maisons. Suite à ce dézonage, il restera 9 familles en attente (dont des personnes âgées), car leurs maisons étaient en dehors du dézonage établi. Le dernier dossier des citoyens du Regroupement du quartier sud de Malartic a été réglé en août 2015 après 5 ans de pénibles luttes. Plusieurs des personnes qui ont vendu leurs maisons ont dû signer une entente confidentielle leur interdisant de prendre position à l’avenir sur les impacts et aspects du dossier compromettant la minière à Malartic . Ces gens ne peuvent plus être solidaires avec les nouveaux citoyens affectés. En achetant leur maison, on les a aussi fait taire.

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Par ailleurs, le projet minier d’origine prévoyait une fosse de 1,5km de longueur, 800m de largeur et 400m de profondeur .La minière prévoit maintenant une expansion de projet initial qui devra faire passer la fosse à 2.5 km . Ce projet d’expansion continue de susciter de très fortes mobilisations. La minière prévoit un agrandissement dans la partie sud de la ville, dans l’ancien emplacement de la mine souterraine (Barnat). Pour cela, il faudrait détourner la route 117 qui est la transcanadienne et la rue principale de la ville de Malartic.

Suite à ce projet d’expansion, suite aux impacts vécus par les citoyens depuis 2010 et ceux appréhendés par cette expansion, un troisième comité de citoyens voit le jour à Malartic : le Comité des citoyens de la zone-sud de la voie ferrée de Malartic (ce secteur touche 700 portes). Le comité souhaite s’asseoir avec les responsables de la mine, avec le comité de suivi, avec l’organisme Mining Watch/Coalition Québec meilleure mine et avec la Ville afin d’en arriver ensemble à un protocole d’acquisition, de compensation et d’accommodements. Une lettre a été envoyée à la minière le 25 septembre afin d’obtenir une 1ère rencontre à la fin du mois d’octobre. Le Comité des citoyens de la zone-sud de la voie ferrée de Malartic demande :

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  1. La signature d’un protocole d’acquisition des maisons. 

  2. Une compensation pour les impacts de l’exploitation minière. 

  3. Des accommodements pour les résidents qui souhaitent rester.

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La stratégie de communication de Canadian Malartic a changé par rapport à celle d’ Osisko . Le représentant d’Osisko réagissait toujours rapidement, de façon vive et ferme, aux commentaires ou aux interpellations des citoyens. Les citoyens n’aimaient pas sa façon de faire mais au moins ils savaient à quoi s’en tenir. Par contre, Yamana Gold et Agnico Eagle adoptent un profil bas et vont peu sur la place publique. En plus, ils ont engagé 6 personnes, majoritairement des femmes, pour mettre en place un plan de co-construction en vue de la prochaine audience du BAPE et pour les relations publiques ainsi qu'avec la communauté.

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Les citoyens ne veulent plus être consultés, ils veulent passer à l’action et être réellement entendus. Le Comité de la zone sud de la voie ferrée attend beaucoup de ce comité de travail qui devrait aboutir à un protocole. Les correspondances de la minière laissent présager que les parties sont très loin l’une de l’autre quant aux objectifs visés par la minière. Les semaines à venir seront cruciales pour les citoyens.

Selon Me Kirouac, la situation à Malartic est un précédent extrêmement dangereux. Il faut en tenir compte pour les projets miniers à l’avenir. Malartic a ouvert la voie pour des exploitations minières à ciel ouvert, elles sont moins coûteuses pour les compagnies et sont exploitables sur une période plus courte, mais elles causent un désastre environnemental évident et humain sans égal .L’exploitation de la mine à Malartic a des impacts sur la santé des citoyens que la minière ne peut plus contester .Ces impacts ont été abondamment documentés par des études de INSPQ (Institut national de la santé publique du Québec ) et par la direction de la Santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue. Une étude de la chaire des petites collectivités de l’UQAT révèle également que la richesse et l’augmentation de la population de Malartic qui devaient résulter avec l’exploitation de la mine n’ont pas eu lieu. Il y a une richesse éphémère pour les travailleurs miniers et une richesse foncière passagère pour la ville. La richesse va principalement aux actionnaires de la Cie .En 2013 , pas un sous de redevance n’avait été payé par la minière à l’État québécois.

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En conclusion, il ne devrait plus y avoir jamais une mine à ciel ouvert dans une ville, car elle apporte plus de détresse que de richesse. Malartic est une ville sacrifiée à l’industrie minière et on devrait en tirer tous et toutes des leçons.

Quelques références :

INSPQ. Rapport de recherche 2006-2013. Effets individuels et sociaux des changements liés à la reprise des activités minières à Malartic 
https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications


Chaire Desjardins en développement des petites collectivités. 
Résumé : Transformation et bouleversements d’un territoire : Le cas de la municipalité de Malartic. 

http://www.uqat.ca

photo©LaPresse
« L'or des autres : perdre son point d'ancrage »
Article publié le 14 janvier 2012

vol. 120, no 5 • 15 décembre 2015

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