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TRANSMETTRE UN HÉRITAGE

TRANSMETTRE UN HÉRITAGE, ÇA SE PRÉPARE

Pierre Viau, capucin, est engagé au Regroupement pour la responsabilité Sociale des Entreprises (RRSE). Il nous brosse un tableau de ce mouvement éthique dans les décisions d'investissement. Commencé par les Églises pour soutenir Nelson Mandela dans son combat contre l'apartheid, le mouvement s'est poursuivi dans les Églises canadiennes sous le nom de RRSE. Et le flambeau de cette implication éthique de l'argent se transmet à des groupes laïcs pour garder vivant l'engagement des communautés religieuses.

Nelson Mandela

L’histoire de ce Sermon aux oiseaux que nous rapporte Célano dans sa Vita Prima de François continue toujours de nous charmer.
L’APARTHEID ET L’INVESTISSEMENT RESPONSABLE

On peut découvrir le rôle joué par le TCCR (Taskforce on the Churches and Corporate Responsibility) qui, depuis sa création en 1975 jusqu’à la libération de Nelson Mandela en 1990,  a mené l’opposition actionnariale des Églises à l’apartheid et collaboré avec d’autres ONG et le mouvement syndical pour son abolition. Ce sont les Oblats de Marie-Immaculée et les sœurs de Sainte-Anne, membres de TCCR, qui ont jeté les bases du RRSE (Regroupement pour la Responsabilité Sociale des Entreprises) que nous connaissons aujourd’hui. « En incorporant une intelligence morale à l’investissement, le TCCR a contribué à transformer le langage des affaires… Nous sommes tous redevables à la lutte entamée il y a déjà 40 ans par les Églises canadiennes et internationales à l’appui de Nelson Mandela… Cette lutte a largement contribué à jeter les fondations de l’investissement responsable et de l’entreprise durable ».

Le 1er février 1996, l’équipe invite quelques médias de Montréal et des représentants de différentes Églises, de congrégations religieuses et d’organismes engagés en pastorale sociale ou/et dans la défense des droits humains. Cette conférence de presse peut être considérée comme l’événement déclencheur de la gestation du regroupement québécois pour la responsabilité sociale des entreprises. Il faudra attendre trois ans avant qu’il acquière le statut qu’on lui connaît maintenant. Trois longues années durant, lesquelles on essaiera d’avancer sur plusieurs fronts à la fois : accroissement du membership, travail en réseau, formation des membres, recherche de financement et engagements d’actionnaires responsables.

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Et le 12 avril 1999, TCCR-Québec cède la place au RRSE au cours de l’assemblée de fondation. Douze congrégations religieuses, une association et trois individus signent le contrat d’association qui les constitue membres fondateurs du RRSE. Le 20 avril 2005, le RRSE reçoit ses lettres patentes et est enregistré sous la loi des compagnies, Partie III. En 2014, le regroupement est formé de 50 communautés religieuses/membres réguliers, de 9 groupes membres associés et 16 membres associés individuels. Les principaux dialogues avec les entreprises portent sur l’exploitation sexuelle des enfants, sur des enjeux environnementaux, sur le consentement libre, préalable et éclairé des populations visées par des projets d’exploration et/ou d’exploitation énergétiques ou miniers.

Tous les membres réguliers du RRSE qui constituent la base du regroupement sont des communautés religieuses. Dans un avenir prochain, un grand nombre d’entre elles n’existeront plus et, par la force des choses, elles ne seront plus membres du RRSE. D’autres auront beaucoup moins de membres dans leurs congrégations. Un petit nombre, peut-être, aura augmenté légèrement. Bref, l’avenir des membres réguliers du RRSE est incertain et fragile.

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Un grand nombre de communautés religieuses ont commencé à assurer la continuité de leur mission en appuyant des œuvres désormais confiés à des laïcs. L’intuition initiale du RRSE vient des communautés religieuses. Une avenue s’ouvre pour maintenir vivante cette intuition dans la société malgré la décroissance des communautés religieuses. 
Un virage important s’annonce. Sans déclarer la mort de leur organisation, les membres du RRSE décident lors d’une assemblée générale spéciale, en 2014, de fonder une coentreprise avec un partenaire de longue date, Bâtirente, système de retraite des membres de la Confédération des Syndicats nationaux.

C’est le nom que prendra le service commun de recherche et de dialogue auprès des entreprises et ce service sera offert à des investisseurs institutionnels. Ainsi l’investissement socialement responsable initié par les communautés religieuses pourra poursuivre sa mission. Le contexte s’y prête très bien. En effet, sous l’égide de l’ONU, en 2005 le mouvement des signataires des PRI (Principles for Responsible Investment, www.unpri.org ), 292 propriétaires d’actifs, 918 gestionnaires de portefeuille, 191 groupes de service professionnel ont signé ces principes. Au Canada, on compte 24 propriétaires d’actifs, 32 gestionnaires de portefeuille et 9 groupes de service professionnel. 

vol. 120, no 4 • 15 octobre 2015

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