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L’AUDACE DE L’ESPÉRANCE

            NORMAND PROVENCHER, omi

L’avenir de l’Église n’est pas des plus prometteur et il nous est inconnu. Seul Dieu le connaît, et il nous le confie.

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Note : Après avoir obtenu le doctorat en théologie de l’Université Grégorienne, Rome, le Père Provencher  est devenu professeur de théologie à l’Université Saint-Paul, Ottawa, de 1965 à 2016. Il a publié des ouvrages et des articles sur la situation présente et l’avenir de l’Église d’ici. Il est rédacteur au Prions en Église et à Vie liturgique. Il demeure maintenant à Trois-Rivières et exerce son ministère au Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.  Le Comité de rédaction tient à remercier le Père Provencher pour sa contribution à Chemins Franciscains.

L’avenir de l’Église et de ses œuvres nous inquiète. On ne peut contester les faits, imprévisibles il y a quelques décennies: vente et fermeture d’églises, rareté des vocations aux ministères et à la vie religieuse, absence des jeunes, baisse de la pratique sacramentelle, scandale de la pédophilie, perte de confiance dans les institutions ecclésiales...  L’avenir de l’Église n’est pas des plus prometteur et il nous est inconnu. Seul Dieu le connaît, et il nous le confie.  

UN MOMENT DE GRÂCE !

En ces temps teintés de pessimisme et de résignation, il me semble qu’il est possible de concilier une attitude sereinement critique avec l’espérance. L’Église n’est pas seulement en train de traverser un moment difficile qui sera bientôt résorbé ou encore une épreuve passagère qu’elle surmontera avec un peu de courage et de bonne volonté. Elle est insérée dans une profonde mutation sociale et culturelle, entraînant des impacts profonds et inédits. De plus en plus de gens d’ici, notamment les jeunes, ne se reconnaissent plus dans les pratiques régulières et le message de l’Église. La «vraie vie» semble se dérouler ailleurs! Il s’agit donc plus que d’un déclin passager, plus qu’une crise passagère mais plutôt d’un nouveau départ. Or, au lieu d’entretenir la nostalgie pour une situation d’Église qui ne reviendra plus, pourquoi ne pas admettre que nous avons la responsabilité et la mission de faire entendre et vivre l’Évangile d’une manière nouvelle, de susciter de nouveaux modèles de communautés et de rassemblement, de mettre en œuvre des façons inédites de célébrer le rassemblement du dimanche et les sacrements, de créer des institutions et des ministères pour les gens d’ici et d’aujourd’hui ? Le monde moderne et la situation pastorale actuelle sont donc une occasion, mieux une grâce et une voie d’avenir pour l’Église.

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AVEC FOI, PRENDRE LA ROUTE

Devant le monde moderne et les difficultés qu’il entraîne, la tentation est grande pour des catholiques, de moins en moins nombreux toutefois, de refuser tout changement et de vouloir un retour à l’Église du passé que souvent ils connaissent mal et qu’ils idéalisent. Or les chemins prometteurs d’avenir ne sont pas dans le retour en arrière. Le seul regard vers le passé, toujours nécessaire et éclairant, est celui que nous portons sur Jésus Christ et les débuts de l’Église qui constituent la lumière pour aujourd’hui et la source de notre avenir.

 

Comme pour Sara et Abraham, nos ancêtres dans la foi, il nous est demandé de quitter une réalisation d’Église, qui nous est familière, pour aller ailleurs et vers l’inconnu, avec la certitude que Dieu tient à réaliser son grand projet d’habiter notre monde, mais pas nécessairement de la manière que nous le prévoyons. « Si Dieu est Dieu, écrit le penseur Maurice Bellet, il a bien le droit d’être où il veut et quand il veut, tout à fait en dehors de nos discours sur Lui, de nos piétés, de nos rites, de nos savoirs. » C’est ce que demande le pape François lorsqu’il propose une Église de la sortie qui va aux périphéries, là où Dieu est déjà présent et où il nous attend.

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DONNER DES MAINS À L’ESPÉRANCE

La réflexion théologique s’arrête trop souvent à l’espérance comme vertu ou attitude personnelle. Le moment est venu de donner à l’espérance des pratiques communautaires, ou d’ensemble. La foi a trouvé ses expressions communautaires dans les Credo, les dogmes, les catéchismes, les célébrations des sacrements. De même la charité, dans les institutions des soins de santé et d’éducation, dans les services aussi bien à l’intérieur de la communauté qu’à l’extérieur. Dans l’Église d’ici, il est devenu urgent de mettre en œuvre l’espérance chrétienne qui s’exprimera dans des projets modestes, mais qui auront un effet d’entraînement et qui éclipseront la morosité et le défaitisme qui nous guettent. Comme on se soucie de l’inculturation de la foi depuis quelques décennies, pourquoi ne pas se préoccuper de l’inculturation de l’espérance ?

 

Dans son encyclique Spe salvi, Benoît XVI  parle des lieux d’apprentissage et d’exercice de l’espérance, sans aborder toutefois les lieux ecclésiaux (nos. 32-49).  De nouveaux projets sont donc tout à fait nécessaires, car il faut donner à l’espérance des mains et des pieds qui lui assurent une certaine visibilité contagieuse. D’où l’importance de ne pas exclure les visionnaires qui dérangent nos façons de faire et de penser, d’encourager les semeurs, même si leurs jardins sont modestes, de susciter des leaders de l’espérance qui peuvent communiquer le goût de l’avenir et ouvrir des chemins vers des horizons prometteurs.

 

 La lucidité et la recherche des fondements de l’espérance libèrent l’audace en vue d’une pastorale d’engendrement, la pastorale à promouvoir dans un temps d’espérance. Voulons-nous vraiment engendrer, susciter des chrétiens et des chrétiennes autonomes et différents de nous? Les parents acceptent de mettre au monde des enfants qui partagent certes une certaine ressemblance avec eux, mais qui seront différents et qui auront leur propre personnalité et leur manière de penser et de vivre. Trop souvent nous optons pour le clonage, c’est-à-dire la reproduction du semblable.  D’où l’urgence d’opter  pour une pastorale de l’engendrement, une pastorale qui cherche à faire vivre humainement selon l’Évangile.

POUR CONCLURE

Lors de l’audience générale du 31 mai 2017, le pape François se réfère à la Lettre aux Hébreux (6, 18-19), pour comparer l’espérance à une voile. Il fait le commentaire suivant : « Si l’ancre est ce qui donne à la barque la sécurité et la tient ‘ancrée’ dans l’ondulation de la mer, la voile, elle, est ce qui la fait se mouvoir et avancer sur les eaux. L’espérance est vraiment comme une voile : elle recueille le vent de l’Esprit Saint et le transforme en force motrice qui pousse la barque, selon les cas, au large ou vers la rive. »

 

Dans son allocution du même jour le pape François évoque l’espérance en lien avec la Pentecôte : « L’Esprit ne nous rend pas seulement capables d’espérer, mais aussi d’être des semeurs d’espérance, d’être nous aussi, - comme lui et grâce à lui, - des ‘paraclets’, c’est-à-dire des consolateurs et défenseurs de nos frères et sœurs, semeurs d’espérance. » Un bon chrétien, précise le pape, « sème le parfum de l’espérance et non le vinaigre de l’amertume et du désespoir». Le pape  termine par ces mots très stimulants : « Que le don de l’Esprit nous fasse abonder dans l’espérance. Que l’Esprit nous fasse gaspiller l’espérance avec tous ceux qui sont dans le besoin, les plus rejetés et pour tous ceux qui en ont le besoin.»

           

À l’audience générale du 2 mai 2017, le pape François a commenté le récit des disciples d’Emmaüs où l’on trouve tout le destin de l’Église et de nos œuvres.  Rappelant que les disciples ne sont pas en mesure de reconnaître Jésus qui marche avec eux, ce dernier commence sa thérapie de l’espérance. C’est ainsi que le pape explique la démarche du Ressuscité. Il termine son allocution en ces termes : «Dieu n’arrêtera jamais de nous aimer. Dieu marchera toujours avec nous, toujours, même dans les moments les plus douloureux, même aux pires moments, dans les moments de défaite : le Seigneur est là. C’est notre espérance. Avançons avec cette espérance! Car il est à côté de nous, marche avec nous, toujours ! » 

vol. 129, no 1 • Mars 2024

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