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AU CŒUR DES MOTS

ASSISE UNE RENCONTRE INATTENDUE

Compte-rendu du livre de François Cheng, Albin Michel, Paris, 2014.
La figure de François d'Assise s'est imposée à lui, alors qu'il participait, en 1961, à une visite d'Assise, invité par des amis. François Cheng ne connaissait rien de François, de son aventure, de sa spiritualité. Lui, un exilé chinois, arrivé à Paris à l'âge de 20 ans, cherchait sa voie alors qu'il connaissait la solitude et le dénuement. Son désir passionné pour l'écriture se couplait aussi avec une quête métaphysique : qui suis-je ? Que devenir ? Une quête qui, par moment, le plongeait dans le désespoir.
L'écriture de François Cheng est habitée. On ne peut que l'écouter en se la lisant et relisant. Nul effort de résumé ou de synthèse lui rend justice.

Comme tous ceux qui, depuis la plaine de l'Ombrie, voient Assise pour la première fois, je fus saisi, en sortant de la gare, par son apparition dans la clarté d'été, par la vision de cette blanche cité perchée à flanc de colline, suspendue entre terre et ciel, étendant largement ses bras dans un geste d'accueil. Figé sur place, j'eus le brusque pressentiment que mon voyage ne serait pas que touristique, qu'il constituerait un moment décisif de ma vie. (p.11)

 

Puisqu'on me parlait ici d'un saint, je voulus le connaître davantage et surtout comprendre son cheminement [...] Je me concentrai sur trois sites emblématiques : la Portioncule, au bas de la ville; Saint-Damien, à sa lisière, et, en surplomb, les Carceri, nichées sur les hauteurs du mont Subasio. [...] En m'imprégnant de ces lieux d'élection, j'avais vraiment la sensation de pénétrer charnellement l'espace intérieur du saint. (p. 13-14)

Saint-Damien, dans cette église délabrée, il entendit la voix du Christ lui enjoindre de relever l'Église [...] Il comprit que la vérité en question n'était pas une idée abstraite, qu'elle était incarnée par le corps souffrant de ce Christ qui oppose au mal absolu l'amour absolu, qui enseigne que la voie de la vraie vie passe par la prise en charge des malheurs qui accablent l'humanité. (p. 14-15)

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Aux Carceri, je crus entendre François tout proche me murmurer à l'oreille [...] Nous sommes parce que Dieu est. Qu'Il soit Béni, que nous le soyons aussi [...]. (p. 23) La Portioncule, François en a fait son lieu de refuge ou de halte (p. 25). C'est d'ici justement qu'il est allé à la rencontre des blessés de la vie, des déclassés, des déshérités, des déconsidérés, à commencer par les lépreux, traités comme les derniers rebuts de la société. (p. 26)

[...] Dès que j'ai appris à mieux le connaître, je l'ai intuitivement appelé Grand Vivant. Le Grand Vivant est celui qui va au devant de la Vie, sans prévention et sans restriction, avec un courage désarmant et une confondante générosité […] Le Grand Vivant se doit de dévisager toute la souffrance terrestre... Pour le Grand Vivant, tout est rencontre, tout est interaction, tout est occasion d'une possible transformation. (p. 42)

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Et pour tout ramasser l'essentiel de François, le texte se termine avec le Cantique des créatures.

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Parcourir le récit de François Cheng est un moment unique de contemplation et de proximité avec le cheminement intérieur de François d'Assise, à travers les lieux où le Grand Vivant a vécu chaque rencontre. L'écriture de François Cheng est habitée. On ne peut que l'écouter en se la lisant et relisant. Nul effort de résumé ou de synthèse lui rend justice. J'ai tenté de vous présenter des extraits qui parlent d'eux mêmes et vous laisseront, je l'espère, avec le désir de vous approcher de François d'Assise comme si c'était la première fois.

vol. 121, no 4 • 15 décembre 2016

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