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FAUNE ET FLORE

SYLVAIN RICHER, ofmcap

Sœurs et frères, que le Très-Haut, Tout-Puissant et Bon Seigneur que chante notre Père saint François vous donne sa paix !

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De plus en plus, depuis quelques années, nous entendons parler de réchauffement climatique et, depuis plus longtemps encore, de la protection de l’environnement.  Chacune et chacun, en travaillant son petit coin de jardin, fera ce qui est nécessaire pour être « un bon intendant de la création ».
LE POINT DE DÉPART

De plus en plus, depuis quelques années, nous entendons parler de réchauffement climatique et, depuis plus longtemps encore, de la protection de l’environnement. Pour ma part, ce dernier devoir qui me semble naturel fait partie de ma vie depuis un peu moins de 50 ans ; c’est une sensibilité familiale qui se transmet de génération en génération et avec les gens que je côtoie. Par exemple, tout jeune, chez les louveteaux, je faisais quelques présentations sur des animaux. Ce que je fais encore, quand c’est possible, en présentant l’activité « Faune et flore » à l’Ermitage Saint-Antoine de Lac-Bouchette où je suis revenu vivre la fraternité en 2009.

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Cet « intérêt pour la nature », l’environnement, et en parler avec les gens est ce qui a influencé mon choix d’études au CÉGEP, m’amenant au Lac-Saint-Jean, plus précisément à Saint-Félicien, afin d’étudier en Technique du milieu naturel en 1989. C’est dire que, depuis tout petit, il m’est aisé de dire avec saint François et le Pape François, « Loué sois-tu, Seigneur » (Laudato Sì, encyclique du Pape François).

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Ce préambule, peut-être inutile, donne une petite idée de qui je suis et ce qui m’habite depuis toujours et donc aussi comme capucin.

ÉCOLOGIE ET SPIRITUALITÉ

Pour moi, comme capucin, de vivre à la fraternité de Lac-Bouchette est une grâce, car je peux continuer à vivre cet intérêt naturel et le partager. Quand je dis le « partager », j’entends par là en parler et faire découvrir à d’autres ces beautés qui nous entourent pour qu’ils en soient émerveillés et découvrent leur Créateur. Et nous savons tous que l’émerveillement est une vertu à cultiver dans notre monde actuel. Pour nous capucins de Lac-Bouchette, il y a différentes façons de faire cela, et quelques activités que nous offrons aux pèlerins et visiteurs en sont de beaux exemples. Entre autres, depuis deux ans, nous avons ajouté une activité « Écologie et spiritualité » à notre panoplie. Vivement la fin de la pandémie pour l’offrir plus largement !

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Puisque notre fraternité et le sanctuaire sont situés dans la forêt boréale, dans le but avoué de permettre aux gens de marcher dans celle-ci en toute sécurité, depuis le milieu des années 90, sept kilomètres de sentiers pédestres sont accessibles aux pèlerins et visiteurs de l’Ermitage. Pendant quelques années, le Cantique des Créatures y était affiché, avec de courtes méditations adaptées aux différentes strophes. Maintenant, ce sont des sentences de Félix Leclerc tirées des Calepins d’un flâneur, qui aident les gens à parcourir et méditer sur ce sentier parcourant une bonne partie des terrains de l’Ermitage et des nôtres.

JARDINAGE FORESTIER INTENSIF

Qui dit sentier dans la forêt, dit nécessairement forêt et entretien de celle-ci. Jusqu’en 2015, c’est le frère Irénée Bergeron, « le Père qui bûche » comme certains l’appelaient, qui s’en occupait. À son retour du Tchad, dans les années 80, il avait planté 20 000 arbres au sud de nos terrains ; vous pouvez encore voir ces plantations quand vous venez nous visiter. Mais une seule personne pour avoir soin d’un peu moins de 300 hectares, c’est peu.

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C’est pourquoi, la forêt étant très mature et sur son déclin, nous avons entrepris l’hiver dernier une coupe de jardinage intensif. Par cela, j’entends une coupe par bandes dans une portion limitée de terrain. La majorité des arbres étaient des sapins baumiers de plus de 60 ans qui séchaient sur pied. Ces conifères, poussant densément, empêchaient la lumière d’atteindre le sol ; de ce fait il y avait peu de petits végétaux et, donc, peu d’animaux. Déjà, des arbres cassaient et menaçaient les sentiers pédestres. Cela pouvait aussi s’avérer dangereux pour tout le secteur en cas d’incendie de forêt.

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Dans cette coupe, beaucoup d’arbres ont été laissés debout, dont plusieurs arbres morts infestés d’insectes ; une aubaine pour de nombreuses espèces d’oiseaux, dont les différents pics bois. Maintenant, avec les nouveaux feuillus qui ont commencé à pousser dès le printemps grâce à l’humidité et au soleil abondant réchauffant le sol, la faune qui était peu nombreuse dans ce secteur se fait plus présente : oiseaux (nichant à faible hauteur), cerfs (biche et petits ; rares dans la région il y a 30 ans), orignaux (femelles et petits) et autres animaux y trouvent nourriture en quantité, peu importe leur régime alimentaire. Les petits arbres qui poussent pourront emmagasiner plus de carbone pendant près de 60 ans que des arbres sur leur déclin et cassant tout seuls.

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Ce travail a été fait par des forestiers professionnels, suivant un plan d’aménagement réalisé par une coopérative dont les capucins sont membres. Il y a un suivi fait par des ingénieurs forestiers, et les lois et règlements de l’environnement du Québec sont bien observés. De plus, j’étais agréablement surpris quand l’entrepreneur forestier me disait que son équipe ne bûcherait pas tel ou tel endroit à cause de ruisseaux, de milieux humides, ou bien même parce qu’il était important de conserver des îlots d’arbres pour servir d’abri aux animaux, protéger le sol de l’érosion en certains endroits et reboiser la forêt naturellement, puisque la coupe relance le cycle forestier. Ce dernier élément est mon choix, au lieu de reboiser avec les essences que l’on vient d’enlever et qui répondent à un impératif plutôt commercial. Qui sait s’il ne poussera pas des bleuets et des framboises dans le bûcher ?

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J’omets certaines choses tels les nichoirs en forêt ou sur les étangs facilitant la nidification de certains canards ou de la martre et un projet de refuge pour faune ailée qui est sur la table à dessin afin de pouvoir passer à la vie plus régulière de la fraternité.

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CULTURE EN JARDIN ET EN SERRE

Comme tout le monde, les frères aiment bien pouvoir manger des légumes frais quand c’est possible. Nous avons donc un jardin extérieur et en serre. Ce n’est pas grand, mais nous réussissons à réduire un peu notre facture de légumes de juillet à octobre.

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Quand je prépare les semis, car nous n’achetons pas les plants, je m’assure que les semences soient certifiées biologiques et, le plus possible, ancestrales. Cela permet de belles découvertes que nous partageons avec d’autres fraternités et des amis. C’est toujours plaisant voir l’étonnement quand quelqu’un reçoit un plant d’une variété portant son nom ; noms que je n’invente pas mais qui existent réellement !

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J’aime ajouter qu’il n’y a pas d’engrais chimiques utilisés pour nos plants. Différents types de fumiers et le compost que nous produisons font très bien l’affaire, et les récoltes sont abondantes. Encore là, nous en partageons les fruits avec l’une ou l’autre des personnes que nous côtoyons régulièrement. Et s’il reste certains débris végétaux, « on les mangera l’année prochaine », comme je dis, en les mettant dans le composteur.

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Je souligne que, dans mon dernier article paru dans Le Messager de Saint-Antoine, je parle justement de notre jardin. Je le décris comme un fouillis. C’est que, dans la serre ou dehors, je laisse aussi pousser des herbes indésirables que malheureusement beaucoup de gens appellent encore « mauvaises herbes ».

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Ces herbes sont indésirables seulement là où on ne les veut pas ; généralement, ces plantes, sauvages ou échappées de culture, sont soit médicinales soit comestibles.  Même si on ne désire pas les servir en salade ou autres, il est bon de les connaître afin de ne pas perpétuer de fausses idées et de pouvoir s’émerveiller des prévenances du Créateur de toutes choses.

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La présence de ces plantes assure pollen et autres nutriments au sol ainsi qu’à beaucoup d’insectes. Pensez seulement aux abeilles qui sont de plus en plus menacées par les monocultures à grande échelle et certains insecticides dits systémiques.

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D’avoir de la variété, autant de légumes que de plantes sauvages, même saint François trouvait cela important. Il recommandait aux frères (je ne sais plus dans quel texte) de garder un coin de jardin non cultivé. Cela pour aider les abeilles à qui il désirait, l’hiver, donner du miel et du vin afin de les aider à vivre la saison froide.

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Je m’arrête ici, manquant de temps et d’espace pour cultiver cet intérêt naturel que je viens de vous partager. Il y aurait encore plusieurs choses à dire et écrire et qui habitent notre quotidien. C’est là, je pense, l’essentiel.

AVOIR SOIN DE NOTRE MAISON COMMUNE

Oui, nous pouvons et devons « penser globalement », mais sans se laisser submerger par la grandeur de la tâche à accomplir pour avoir soin de notre maison commune. Le réflexe doit être le même partout, mais la façon de faire diffèrera selon les possibilités de chacun ; il n’y a pas de recette applicable mur à mur. Ce qui n’empêche pas de faire des pressions pour demander des changements de législation, bien entendu.

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Si chacun fait de ces gestes quotidiens, habituels, des gestes qui semblent souvent banals, qui sont du domaine de se soucier de son environnement, il « agira localement ». Travaillant son petit coin de jardin, il fera ce qu’il doit pour être bon intendant de la création (L’intendance de la création, Vaillancourt, Médiapaul, 2002), cherchant ainsi comment répondre à une des questions fondamentales de la Bible (Genèse, 4, 9-10) : Qu’as-tu fait de ton frère ?

vol. 126, no 3 • Octobre 2021

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