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OSCAR ROMERO 
«LA VOIX DES SANS VOIX »

GENS QUI INSPIRENT

Oscar Romero naît le 15 août 1917 dans un petit village du Salvador. À 12 ans, son père l’envoie comme apprenti menuisier, lui, qui désire tant devenir prêtre. L’année suivante, soutenu par le curé de sa paroisse, il entre au séminaire de San Salvador et entreprend des études qui le mèneront jusqu’à Rome.
Un soldat n’est pas obligé d’obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Il est temps de revenir à votre conscience. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, je vous prie, je vous supplie, je vous l’ordonne : Arrêtez la répression !
DESTINÉE D’UN HOMME

La seconde guerre mondiale sévit en Europe. Cette période de privations lui vaut un apprentissage austère et toute sa vie, il refusera de vivre dans le confort. En 1943, il doit interrompre ses études pour rentrer au pays. Au cours du voyage qu’il effectue par bateau, il est interné trois mois à Cuba, soupçonné d’être un espion au service de l’Italie.

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De retour au Salvador, il est nommé curé de paroisse où il se gagne l’affection des paroissiens par ses nombreuses qualités humaines et sa charité sans borne. Excellent communicateur, il anime une émission radiophonique, dirige le journal du diocèse, de sorte que sa popularité monte en flèche. Cependant, son mode de vie austère et ses jugements parfois rigides sur le manque de discipline chez certains prêtres provoquent le rejet de sa personne au sein du clergé diocésain.

Le 4 avril 1967, Oscar Romero reçoit le titre de monseigneur. Quelques mois plus tard, il doit quitter la paroisse, appelé à devenir secrétaire général de la conférence des évêques salvadoriens. L’Église diocésaine est sous l’influence du vent de changement de Vatican II qui ouvre de nouvelles perspectives sociales à la pastorale. Romero se tient à l’écart de ce vent de changement et devient très proche des prêtres de l’Opus Dei.

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Quelques mois plus tard, Oscar Romero devient recteur du Séminaire de San José en remplacement des Jésuites jugés trop à gauche au goût de l’Assemblée des évêques. Le corps enseignant est remplacé par des professeurs aux visées moins sociales. Plusieurs séminaristes sont chassés car on les juge trop politisés pour faire de bons prêtres et le séminaire doit fermer ses portes. Si Romero est un leader naturel, il demeure cependant obéissant à une hiérarchie qui encourage la conformité. Il vivra trois ans dans une région riche, zone de culture du café et du coton. Même s’il continue à être ami avec les riches propriétaires, il commence à être giflé par la réalité : celle des misérables journaliers qui cueillent le café dans les exploitations agricoles des riches.

Photo prise sur le site web de SOA Watch, Marche du 24 mars.

LE RÉVEIL

Les élections de 1972 donnent lieu à des fraudes électorales. Des manifestations populaires s’organisent et le gouvernement réagit par une violente répression. L’armée salvadorienne assassine cinq paysans dans un village du diocèse. Romero proteste avec véhémence auprès des autorités civiles et policières et il écrit au président afin de lui demander des explications. Les funérailles des paysans donnent lieu à un rassemblement où les protestations l’emportent sur la prière. L’évêque perçoit la complexité d’une situation qui ne peut se résumer à l’existence de « bons et de méchants ». Il devient plus sensible aux cris de libération et de protestation bien qu’il n’admette pas encore que les actes religieux servent à la diffusion d’une idéologie politique.

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En 1976, le Vatican nomme Romero archevêque, considéré comme un conservateur de la tradition et de l’ordre établi. Le pays est en ébullition et les riches sont confiants qu’il apaisera le feu de la colère du peuple. Une certaine ambivalence l’habite mais en bon pasteur, ces événements déclenchés par l’oligarchie l’obligeront à se situer en faveur des exclus bien que la haine ne fut jamais le moteur de ses choix ni de son action; il avait opté pour l’amour préférentiel des pauvres.

L’assassinat du Père Rutilio en 1977, provoque une onde de choc à l’intérieur du clergé. La douleur du peuple et le deuil de l’ami perdu ouvrent les yeux d’Oscar Romero. Sans aucun doute, ce meurtre constitue l’élément déclencheur de son changement d’attitude. Le sang d’un homme, d’un ami, d’un prêtre, dépassait toutes les limites de son raisonnement. À partir de ce jour, il ne connaîtra plus d’hésitation à défendre les droits de son peuple opprimé, voulant suivre par là l’exemple de son ami disparu.

LE SORT D’UN PROPHÈTE

En 1979, une junte gouvernementale prend le pouvoir dans un climat de violations des droits de l’homme, Oscar Romero dénonce l’aide militaire étrangère apportée au nouveau régime. La répression s’accélère : enlèvements, assassinats, torture. L’évêque dénonce vigoureusement l’armée salvadorienne. Le 23 mars 1980, à l’occasion d’un sermon dans la Basilique de San Salvador, il lance un appel aux soldats face aux exactions de l’armée :

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Un soldat n’est pas obligé d’obéir à un ordre qui va contre la loi de Dieu. Il est temps de revenir à votre conscience. Au nom de Dieu, au nom de ce peuple souffrant, je vous prie, je vous supplie, je vous l’ordonne : Arrêtez la répression !

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Le lendemain, alors qu’il prononce une homélie dans la chapelle de l’Hôpital, un coup de fusil atteint Romero en pleine poitrine : il agonise quelques minutes plus tard. « Si on me tue, je ressusciterai dans mon peuple » avait-il dit.

vol. 119, no 3 • 15 mai 2014

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