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ÉDITORIAL

LES MURS QUE L'ON CONSTRUIT

Oeuvre © Pascal Parthenais

Le thème de ce numéro de la Nouvelle revue franciscaine porte sur les murs que l’on construit. Nous sommes nombreux à frémir au vent du sud qui porte avec lui des odeurs fétides qui empestent l’enfermement et invitent à l’aveuglement.  Il faut s’ouvrir aux vents contraires.

Ces jours-ci, à la mi-mars 2017, est présenté à la Place des Arts à Montréal l’opéra Another Brick in the Wall. Dans une entrevue donnée jeudi matin, le 9 mars, à l’émission Gravel le matin, sur les ondes de la radio FM de Radio-Canada, Pierre Dufour, une des bougies d’allumage de cette aventure, disait ceci, en référence à l’opéra : « Cette réalité des murs existe et existera probablement tout le temps. ».

La poussée de la Vie, de l’Esprit, nous rend conscient des murs que nous sommes tentés d’ériger. Nous travaillons à les abolir, à aller au devant, à créer des liens pour établir des ponts.

Jocelyn Girard note que nous sommes envahis, dans notre monde virtuel, par un amoncellement d’informations pas toujours fondées, Mais il note que des faits sont bien avérés. L’ouverture des marchés, les délocalisations, produit du néolibéralisme, fragilisent des populations déjà appauvries, créant rejet et exclusion. Cette fièvre pousse des millions de migrants sur les routes en quête d’une vie meilleure.

Ce climat d’incertitude amène une montée des crises identitaires. Devant ce constat, Girard nous invite à résister à nos angoisses. Il offre les exemples de Jésus de Nazareth et de François d’Assise qui ont rejeté les clivages et l’exclusion. Il invite à construire des passerelles pour relier les rivages et ouvrir un avenir.  Il nous faut transformer nos regards. Ce sont d’abord eux qui sont à la source des murs qui nous entourent.

Raymond Lemieux fait le même constat : un éloignement qui s’accélère entre les plus nantis et les déshérités de notre planète. Ces deux mondes forment des univers « étanches et opaques » que l’on constate tant dans l’espérance de vie, les diètes alimentaires respectives que dans les lieux de résidence.

Jocelyn Girard nous parle du regard et de son effet dévastateur. Étonnamment, Lemieux inscrit sa réflexion sur une voie semblable. Il parle d’aveuglement. Aujourd’hui, ceux qui possèdent la richesse se cloîtrent derrière les murs qui les tiennent à l’écart. « Voir est déstabilisant et fait peur », peut-on lire. Il renvoie au film de Stanley Kubrick, Eyes wide shut, qui nous montre, précise-t-il, des membres de cette société  jouissant de tous les avantages, s’abimer dans l’aveuglement.

Éric Vin, dans Nos murs intérieurs, met de la lumière dans ces regards. Il parle de la construction de notre identité qui se coltaille avec nos dilemmes intérieurs. Monsieur Vin écrit: « lorsque nous sommes effrayés, en manque d’amour, de confiance ou de sécurité, nous cédons facilement à la voix la plus forte ou la plus séduisante - sans doute ce que Paul appelait le « péché ». Il invite à contrer ces voix égoïstes en faisant face aux chemins divergents pour laisser ceux qui sont porteurs de vie.

Christian Rodembourg, dans sa contribution au dossier, emprunte une perspective différente de celle des auteurs précédents. Il est de l’autre côté du mur et frappe à la porte, cherche à l’ouvrir et laisser passer l’Esprit. D'entrée de jeux, Il cite le Père Eusèbe-Henri Ménard, ofm : « le Christ Jésus est venu renverser tous les murs et réconcilier les frères ». Le Christ fut un héraut contre le rejet et l’exclusion. Il nous rappelle aussi que le pape François est fermement engagé contre toutes formes de barrière et nous renvoie à Saint-Paul qui,  pour le missionnaire des Saints-Apôtres, est un grand constructeur de ponts.

Vous trouverez dans les chroniques des sentiers parallèles qui invitent, comme le pape François, à relier les rives opposées. Suzanne Giuseppi Testu, dans Muter ou mourir, nous invite, à la suite de François, à choisir la bienveillance dans nos rapports communautaires. Lévi Cossette nous livre un témoignage engagé sur la fécondité de cette bienveillance.

Dans son témoignage, Sr Mariette Milot nous fait une leçon magistrale : comment laisser entrer le monde en soi sans jamais le laisser ressortir ! La foi, l’espérance de Sr Milot parlent de rencontres. Ces rencontres sont au cœur de l’expérience de Dieu nous dit Thaddée Matura dans Croire en Dieu pour croire en l’homme, livre dont Gaston Sauvé nous fait part avec beaucoup de souffle, dans la chronique au cœur des mots. Il ne faut surtout pas manquer, cette année, dans Quête spirituelle, les textes de Jacques Gauthier qui sont une source vive. Dans la première, Chercher Dieu, monsieur Gauthier écrit : « Dieu reste toujours le cherché, le désiré, l’attendu ».

Avant de vous laisser parcourir ce numéro, il est important de noter la collaboration de la peintre Mathilde Renaud (mathilderenaud.com) qui nous a gracieusement autorisés à reproduire plusieurs de ses toiles. Celles-ci sont porteuses d’un langage qui, comme toutes œuvres artistiques, lève le voile et révèle une réalité souvent invisible.

vol. 122, no 1 • 15 mars 2017

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