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Sœur Lorraine Caza, avec une telle passion, nous présente l’appel bouleversant du pape François dans son exhortation apostolique « La joie de l’Évangile ». Une rencontre personnelle avec Jésus-Christ et qui nous pousse, comme disciples-missionnaires, à aller vers tous ceux qui sont démunis, qui souffrent, sont exploités, pour partager une parole de tendresse et de miséricorde.
François nous engage d'abord à passer d'une pastorale de simple conservation à une pastorale missionnaire (EG 15).

Depuis que le « Habemus Papam » a résonné sur la place Saint Pierre le 13 mars 2013, il ne s'est guère passé de jour où notre frère et père François ne nous ait surpris par un geste, un mot, une démarche. Il nous réservait, cependant, pour le 24 novembre 2013, date de la clôture de l'année de la foi, un cadeau dont nous n'avons pas fini de nous émerveiller: l'incroyable exhortation apostolique La Joie de l'Évangile. Ce n'était pas le premier écrit majeur de son Pontificat puisqu'il avait signé l'encyclique sur la foi : Lumen Fidei. Mais, on se souviendra qu'il avait reconnu la grande part de Benoît XVI dans la rédaction de cette très riche encyclique. Avec La Joie de l'Évangile, ce qui nous est offert, c'est la couleur, la saveur, le style François dans toute sa vigueur. Si vous n'avez jamais consacré un temps important à un document officiel de l'Église universelle, ne manquez pas d'ouvrir La Joie de l'Évangile : vous serez profondément touché et devinerez d'emblée que votre vie profonde a tout à gagner à s'en nourrir.

RENCONTRER JÉSUS-CHRIST

Il y a d'abord ce titre particulièrement attrayant : une invitation à conjuguer la vie de foi avec la joie. Et dès les premières lignes, la nature de cette joie est précisée : « La joie de l'Évangile remplit le cœur et toute la vie de toute personne qui rencontre Jésus » (EG 1). Il s'agit donc d'une joie née d'une rencontre. François invite alors tout chrétien à « renouveler aujourd'hui même sa rencontre personnelle avec Jésus Christ ou, au moins, à prendre la décision de se laisser rencontrer par lui, de le chercher chaque jour sans cesse » (EG 3). François dit qu'il ne se lassera jamais de reprendre la grande affirmation qui a traversé tout l'enseignement de Benoît XVI : « À l'origine du fait d'être chrétien, il n'y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (EG 7). Vivez cette rencontre - ou cette nouvelle rencontre - avec l'amour de Dieu et vous serez délivrés par cette « heureuse amitié », d'un isolement de votre conscience, d'une tendance à ne vous référer qu'à vous-même » (EG 8).

UNE TRANSFORMATION MISSIONNAIRE

Il y a la structure et le contenu si rafraîchissants de cette exhortation. François nous engage d'abord à passer d'une pastorale de simple conservation à une pastorale missionnaire (EG 15). C'est ainsi qu'il amorce, dès l'introduction, la conversion qu'il demande à toute l'Église car, dit-il, une transformation missionnaire de toute l'Église est urgente. Il insiste pour que nous reconnaissions que le baptême nous a faits disciples-missionnaires, personnes qui vivent en mode « sortie », qui sont vraiment engagées à joindre toute les périphéries existentielles, et non seulement les périphéries géographiques (EG 19-49).

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Le deuxième chapitre nous propose d'analyser le contexte dans lequel nous avons à vivre notre vie de disciples-missionnaires.

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Les textes de préparation au synode sur la nouvelle évangélisation, d'octobre 2012, avaient pointé comme traits caractéristiques de notre monde : la sécularisation radicale, les migrations massives, les possibilités d'information étonnantes de l'univers médiatique, la situation économique avec des écarts nord-sud inacceptables, le changement du climat politique avec cette émergence de nouvelles puissances (Chine, Inde, Brésil…), le retour d'un certain « religieux » à tendance parfois fondamentaliste ou même d'une spiritualité sans Dieu. Lorsque François, lui, analyse la situation, il se montre particulièrement sensible aux maux relatifs aux injustices du domaine économique. Je note les 4 premiers développements du portrait qu'il trace : il nous supplie de dire non à une économie de l'exclusion, à la nouvelle idolâtrie de l'argent, à l'argent qui gouverne au lieu de servir, à la disparité sociale qui engendre la violence (EG 53-60). Il n'ignore aucun des autres traits, mais il ne fait aucun doute qu'il entend réveiller tous les baptisés par rapport aux conditions inhumaines dans lesquelles vivent tant de nos contemporains.

LE DÉFI D’UNE SPIRITUALITÉ MISSIONNAIRE

François consacre la seconde partie de son analyse du contexte à identifier ce qu'il appelle les tentations des personnes agentes de la pastorale dans l'Église (EG 76-109). Il le fait à l'aide de 6 consignes (2 oui ; 4 non) : relevez le défi d'une spiritualité missionnaire ; cultivez les nouvelles relations que l'appartenance à Jésus Christ nous ouvre; refusez une tristesse de caractère égoïste, un pessimisme stérile, une mondanité spirituelle, des guerres internes dans la communauté.

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Dans le chapitre 3, François réfléchit avec nous sur la tâche de l'évangélisation. J'ai été très frappée par l'ordre dans lequel il présente les formes de l'évangélisation : J'ai l'impression qu'il nous dit : croyez-vous que la piété populaire, les conversations de personne à personne, les charismes des personnes et des communautés sont des puissants chemins d'évangélisation ? Reconnaissez-vous toutes les possibilités d'évangélisation qu'offrent la culture, la pensée, l'éducation ? (EG 122-134).

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Puis vient un magistral exposé qui s'adresse à tous les disciples-missionnaires chargés de l'homélie dans les célébrations eucharistiques. François, de toute évidence, est éminemment conscient du grand pouvoir évangélisateur de ce ministère (EG 135-169).

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L'ampleur des possibilités d'évangélisation que les différents types de catéchèse offrent est bien mise en lumière par François (EG 163-168). Que ce long inventaire des formes d'évangélisation se termine par une grande attention donnée à l'accompagnement spirituel ne nous surprend pas (EG 169-173). François veut nous orienter de plus en plus vers un sens affiné de la dignité de la personne humaine, du respect du rythme de chacune, d'une immense patience qui distingue l'idéal de ce qui est possible à telle étape du cheminement, pour telle personne.

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Remarquons que ce chapitre qui explicite la tâche de l'évangélisation culmine avec deux magnifiques paragraphes sur l'importance de la Parole de Dieu dans toute forme d'évangélisation (EG 174s).

LA DIMENSION SOCIALE DE L’ÉVANGILE

On ne saurait se surprendre que notre frère François consacre le 4e chapitre de cette charte missionnaire à la dimension sociale de l'Évangile. Il n'entend pas reprendre, ici, toute la doctrine sociale de l'Église. Il veut insister sur deux points : l'intégration sociale des pauvres (EG 186-216) et le dialogue social comme contribution à la paix (EG 238-258). Entre ces deux sections, François présente 4 principes pour construire un peuple en paix, juste et fraternel :

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  1. le temps est supérieur à l'espace ; 

  2. l'unité prévaut sur le conflit ; 

  3. la réalité est plus importante que l'idée ; 

  4. le tout est supérieur à la partie (EG 282-237).

 

J'ai mis un certain temps pour saisir vraiment le trésor qui se cachait sous ces formules lapidaires, mais je suis heureuse de n'avoir pas renoncé au trésor.

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C'est d'ailleurs tout ce chapitre qu'il faut approfondir; et les implications de cet émouvant plaidoyer en faveur des pauvres sont bien résumées, je crois, dans la section intitulée « Avoir soin de la fragilité » (EG 209-216) qu'il a proclamée de nouveau dans son intervention au Parlement Européen, à Strasbourg, le 25 novembre 2014.

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François répète sans cesse : « Je veux une Église pauvre et pour les pauvres » ; il n'insiste pas moins pour dire que le secret de la paix est : « dialogue, dialogue, dialogue. »

UNE IMPULSION À RENOUVELER

Au terme de son exhortation, au 5e chapitre, François énonce 4 motivations qui devraient renouveler notre impulsion missionnaire:

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  • Nous sortons évangéliser parce que nous avons reçu l'amour de Jésus, parce que nous nous savons sauvés par lui, ce qui nous pousse à l'aimer toujours plus (EG 264-267).
     

  • Nous sortons évangéliser parce que nous reconnaissons que nous sommes un peuple et nous voulons développer le goût spirituel d'être proche de la vie des gens. Nous sommes passionnés pour Jésus mais aussi pour le peuple de Jésus (EG 268-274).
     

  • Nous sortons évangéliser parce que nous croyons en l'action mystérieuse du Ressuscité et de son Esprit (EG 275-280).
     

  • Nous sortons évangéliser parce que nous croyons en la force missionnaire de l'intercession (EG 281-283).

 

De la finale mariale de l'exhortation (EG 284-288) je retiens, pour en approfondir le sens, l'affirmation qu'il y a un style marial de l'évangélisation que François a particulièrement représenté en disant que « Marie est celle qui sait transformer une grotte pour des animaux en maison de Jésus, avec de pauvres langes et une montagne de tendresse. » (EG 286).

vol. 119, no 6 • 15 décembre 2014

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