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CONSENTIR AU RÉEL SANS PASSIVITÉ NI FATALISME

QUÊTE SPIRITUELLE

Le cheminement spirituel, ne serait-il pas un long et lent processus de maturation ? Comment discerner où se situe notre quête d’infini ? Déjà nous avons compris que la liberté et la relation aux autres sont deux critères essentiels de discernement.
Un crucifix était attaché au-dessus de l'autel ; on l’appelle aujourd'hui le « Crucifix de Saint-Damien ». Ce crucifix serait l'oeuvre d'un artiste ombrien inconnu du XIIe siècle ou d'un des moines syriens qui vivaient dans la région d'Assise à cette époque, le dessin reflétant une forte influence syrienne.
UN CRITÈRE ULTIME

Se libérer de toutes les formes de dépendance. Nous avons, bien sûr, la possibilité de changer et d’améliorer ce qui dépend principalement de nous. Mais il arrive parfois que la réalité s’impose à nous d’une manière tout aussi imprévisible qu’inattendue et même de façon insoupçonnée. Le temps des épreuves : situations difficiles et stressantes, une période de maladie, le passage à une autre étape de notre vie. Des temps de confrontation avec nous-mêmes, avec les autres et par surcroît avec l’Autre. Seuls, nous sommes plutôt impuissants, désemparés, dans l’insécurité. La « tentation de fuir dans une spiritualité désincarnée » (1) nous guette. Cet ultime troisième critère éprouve en même temps les deux premiers que sont la liberté et la relation aux autres.


Quelles sont nos assises véritables ? Quel est le chemin franchi pour nous habiliter à encaisser les coups durs de la vie, à ne pas flancher et, comme dans l’œil du cyclone, garder le calme et l’harmonie intérieure, inébranlable ? Ce sont à ces périodes précises de notre vie que nous avons besoin des autres. Solidarité séculaire construite sur la confiance mutuelle et l’entraide généreuse. L’amitié vraie nous nourrit mutuellement en dehors de toute dette de reconnaissance. L’exemple biblique de Job nous « encourage à nous assumer tels que nous sommes, sans nous culpabiliser. » (2) Alors que celui de Jonas met de l’avant l’humour qui nous préserve de la tentation d’une spiritualité trop rigide dans ces circonstances. C’est le temps avisé de faire un retour sur nous-mêmes, d’évaluer la portée réelle de notre foi vécue.

CONFIGURÉ AU CHRIST

En d’autres termes, et pour me laisser inspirer d’une métaphore du langage informatique contemporain, quelle configuration du Christ, mort et ressuscité, alimente ma foi vécue en ces temps précis ? Ai-je besoin de reconfigurer la réalité christique à l’intérieur de moi-même ? La réalité du Christ en moi est telle que, à l’instar de Paul aux Galates, je puis dire : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est Christ qui vit en moi » (Ga 2 : 20) ?


Si oui, alors c’est une réponse positive, éclairante et enthousiaste qui vient animer tout mon être engagé dans un cheminement authentique sur la route d’une spiritualité incarnée, vivante, vivace et vivifiante. Si non, alors je dois demeurer encore sur le chemin de la conversion profonde en examinant occasionnellement les trois critères déjà exposés. Mais attention, n’y voyons pas ici une hiérarchie ordonnée de supérieur à inférieur et vice-versa, en regardant les femmes et les hommes de ce temps. Ce serait commettre une grave erreur de discernement. C’est par rapport à soi-même que se vérifie chacun de ces trois critères. Ce sont des balises indicatrices. Et rien ne nous prémunit contre des manques ou des chutes possibles. La seule comparaison autorisée est avec soi-même.


Et la fonction d’éclaireur pour le monde de ce temps se traduit par le seul témoignage vivant et convaincant. C’est un service qui ne se réalise pas à partir d’un promontoire. Mais simplement et humblement dans les relations entretenues avec tous les autres, et nourries par une relation privilégiée avec le « Tout Autre » qu’est venu nous révéler Jésus le Christ.

UNE CROISSANCE SILENCIEUSE

N’ayons pas peur. Ne craignons pas. Bien au contraire, vivons au diapason de la Source même de la Vie, de toute Vie. Ne faut-il pas pour cela apprivoiser le silence? Et pas seulement dans les périodes de méditation. Ce silence abyssal des brumes du matin, ce silence sidéral du crépuscule qui vient annoncer la nuit sans bruit, ces silences qui invitent au recueillement, à la réflexion, à la contemplation. Le silence, c’est en quelque sorte l’oxygène de l’âme. Si l’air du temps semble trop peu se prêter au silence expressif, il nous faut alors composer avec cette réalité sans la condamner.

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Le meilleur de la vie de ce cosmos se passe dans le silence : croissance de tous les végétaux, lever et coucher du soleil, émergence des luminaires sur la toile de fond de la nuit, déplacements et mouvances de la vie marine et quoi encore. Nous avons besoin du silence, nous le recherchons éperdument, car, comme le prophète Élie, c’est dans la brise silencieuse que l’Autre se laisse saisir et s’adresse avec enchantement à notre esprit et à notre cœur. Et d’expérience, nous savons toutes et tous que les meilleurEs amiEs se fréquentent dans le silence complice, dans le silence révélateur.

NOTES

 

(1) UGEUX, Bernard, « Le bon chemin », dans Prier, no 252, juin 2003, p. 34.
(2) GRÜN, Anselm, L’identité masculine en question, trad. de Charles Chauvin, Paris/Montréal, Médiaspaul, 2005. p. 117.

vol. 119, no 3 • 15 mai 2014

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