La vie de foi est une vie en mouvement, une vie en marche, qui ne s’arrête jamais. La route, l’espace-temps de la foi est toujours là, en avant. Je parle ici de la foi, comme d’un escalier dont la dernière marche n’est jamais atteinte, ni atteignable.
« Les rites parlent plus fort que la compréhension que l’on peut en avoir. Et il en est ainsi des autres rituels de la vie en Église. »
Le travail pastoral en paroisse, comme je l’ai déjà écrit à quelques reprises, expose le pasteur à une très grande variété de contacts et de rencontres, qui l’évangélisent et l’aident à bien articuler son adhésion à la foi et sa présentation à en faire. Des gens de plus en plus nombreux ont peine à se situer devant l’héritage de la foi, légué par leurs parents et grands-parents. Ils assument, pour les uns, avec une joie authentique, l’héritage spirituel de leurs ancêtres. Les autres vivent un rejet bien arrêté de leur expérience religieuse. Entre les deux attitudes, il y a les chercheurs et les chercheuses, en toute sincérité sur le sens de la vie et de son lien avec Dieu. Ils sont beaux à voir et agréables à rencontrer.
LEUR HISTOIRE DE FOI
C’est ainsi que, lors d’une demande de baptême pour leurs deux enfants, (âgés de 3 ans et demi et 2 ans et quelques mois) Céline et Gabriel me reçoivent en leur milieu de vie, leur foyer, pour une préparation de la célébration. Selon ma manière d’aborder la rencontre, on plonge assez rapidement dans l’histoire de foi des parents, en oubliant au départ les enfants à baptiser. Céline se présente croyante, malgré les secousses et les chocs que la personne croyante peut rencontrer aujourd’hui. Sa vie de foi est solide. Gabriel, quant à lui, vit un beau questionnement presque viscéral, devant l’événement du baptême de leurs enfants. Je prends l’occasion de présenter ici Gabriel, dont la sincérité est marquante et déterminante.
Gabriel a comme expérience religieuse son baptême au moment de sa naissance et quelques messes de Noël pendant son enfance, fasciné par le décorum des années 90, avec les églises généreusement fréquentées. Son histoire de foi est vite racontée. Ses parents, dont un père à la pensée intensément scientifique et une mère peu encline à la foi, n’ont pas fait de place à la vie de foi en leur demeure et dans leur vie. Il a lui-même exprimé qu’il a été baptisé dans la foi de ses grands-parents. Son cheminement à l’école n’a pas été celui de la catéchèse, mais de la morale. Il affirme que le petit Gabriel était fasciné, dans son enfance, par le visuel du gros bâtiment de Saint-Canut, l’église, et encore plus par le mystérieux, l’inconnu qui se vivait à l’intérieur. Était-ce une pierre d’attente de la découverte de Dieu pour plus tard? L’avenir le dira, si l’on en croit la sincérité de la recherche qui l’habite présentement.
CROIRE EN UN MIEUX-ÊTRE
Croyant que Gabriel aurait pu connaître un tournant dans sa foi, lié à l’adolescence, la réponse est venue très spontanée que le lien avec la religion en était un de neutralité ou d’indifférence, donc sans tournant comme en connaissent bon nombre de grands adolescents ou de jeunes adultes. Et voici qu’il clame avec émotion qu’il a développé et développe toujours le fait de « croire en un mieux-être ». Ce mieux-être, sans être spirituel, n’est pas pour autant une fermeture au spirituel. Est-ce que ce mieux-être pourrait devenir un « croire en la vie éternelle ? » Je peux dire sincèrement que cette affirmation, dans la conversation, a résonné en moi comme un appel à vivre en marche vers un mieux-être spirituel.
La culture scientifique a ses limites, selon Gabriel. Interrogé sur un au-delà possible, il en vient à parler de sa mère décédée. « Ma mère est toujours là », i.e. présente à mon cheminement. Ce ne sont pas là que des mots. La mort n’est pas la fin, comme dit la liturgie, elle est transformation. Quant à y voir clair pour en saisir le sens, ni la raison, ni la science, ni la foi ne comblent totalement la faim et la soif de savoir et de connaître du cœur humain. À la question : « Y a-t-il quelque chose après la mort ? » la réponse peut ressembler à un oui un peu obscurci par des nuages ou à un non illuminé par des rayons de soleil. C’est donc dire que l’affirmation de foi en la vie éternelle continue de travailler et d’interpeller Gabriel. Faut-il encore croire ?
UN INCONNU FASCINANT
Il faut bien arriver maintenant à parler du baptême. Tout spontanément, Gabriel n’a aucunement hésité, avec sa conjointe, devant le baptême à demander à l’Église. Habité par un questionnement sur la foi, le sens profond du baptême le rejoint. Le baptême représente quelque chose de mystérieux. Le baptême offre au regard intérieur sur la vie, « un inconnu fascinant », avec son rituel. Les rites parlent plus fort que la compréhension que l’on peut en avoir. Et il en est ainsi des autres rituels de la vie en Église. Plusieurs grands scientifiques présents au baptême en ont apprécié le rituel. C’est évident que le baptême de ses enfants sera, pour Gabriel, la continuité de son engagement à « croire avec et pour eux à un mieux-être » personnel, sociétal, avec une fenêtre ouverte sur le sens profond de la vie humaine.
Ces enfants, ils grandiront. S’il faut en croire leurs parents, ils seront habités eux aussi par un questionnement sur le sens de la vie, ses origines, ses orientations, sa fin ultime. Cela conduit, en conclusion de la rencontre, à illustrer symboliquement le chemin de la foi. J’affirme, en toute simplicité, que la vie de foi est une vie en mouvement, une vie en marche, qui ne s’arrête jamais. La route, l’espace-temps de la foi est toujours là, en avant. Je parle ici de la foi, comme d’un escalier dont la dernière marche n’est jamais atteinte, ni atteignable. L’expérience de foi ne plafonne jamais. Gabriel et Céline, avec leurs enfants, sont motivés pour cette vie tournée vers l’avenir avec ses multiples découvertes, ne pouvant deviner ou imaginer ce que sera leur acte de foi.